Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

BRUIT D’ENFER – INCROYABLE MAIS VRAI: ANNONCÉES DEPUIS 2008, LES RÉÉDITIONS DES DISQUES CULTES DE MY BLOODY VALENTINE SONT DÉSORMAIS DISPONIBLES. INDISPENSABLES.

« LOVELESS » ***** « ISN’T ANYTHING » **** « EP’S 1988-1991 » ****

DISTRIBUÉS PAR SONY.

On a longtemps cru que la dernière véritable déflagration rock datait de 1977. Que faire après le punk, formidable secousse sismique, gros doigt d’honneur aux dérives du prog rock de l’époque, mais aussi véritable cul-de-sac musical? Une bonne dizaine d’années après les premières éructations des Sex Pistols, une nouvelle proposition sera déposée sur la table. Elle vient d’Irlande. Le groupe, My Bloody Valentine, a une idée: faire encore plus de bruit que le punk, certes, mais aussi autrement. Remplacer l’agressivité et la nervosité par une sorte de lame de fond sonique, une mélancolie bruitiste qui laissera des traces aussi marquantes. On schématise mais à l’heure où sortent les rééditions de ce qui est finalement la discographie quasi complète du groupe (2 albums, des EP), le constat reste frappant: Isn’t Anything et surtout Loveless restent des disques inégalés. Sortis respectivement en 1988 et en 1991 (annus mirabilis durant laquelle sortirent également le Nevermind de Nirvana, Ten de Pearl Jam, Out of Time de REM, Screamadelica de Primal Scream, le 1er Massive Attack…), les deux albums ont posé les bases du mouvement shoegazing en réinventant le larsen et la notion de violence sonore. Ils ont chacun leur légende. Isn’t Anything, par exemple, est enregistré en deux semaines, le groupe dormant deux heures par nuit. « On venait me réveiller à 7 h 30 du matin pour faire les voix », raconte Bilina Butcher. « C’est pour cela que ma voix paraît peut-être langoureuse », confiait-elle encore en 2008 au journaliste Simon Reynolds, expliquant qu’elle essayait alors de se rappeler ses rêves en chantant.

Mur du son

Mais le véritable coup de maître arrive en 91. Loveless pousse les idées posées sur Isn’t Anything (celles développées sur un morceau comme Several Girls Galore) et les EP’s qui ont suivi ( Glider en 90) jusqu’à leur extrême. Dès l’entame, Only Shallow consacre une esthétique bruitiste d’une beauté affolante: trois coups de semonce, puis des guitares qui hurlent comme des sirènes, et la voix de Butcher, plus fantomatique que jamais. Loomer est carrément orageux, traversé par une sorte de bourdon grésillant. Changement de paysage avec To Here Knows When, plus élégiaque, mais pas moins trouble, tanguant sur des vagues de larsens jusqu’à l’extase. Derrière chaque débordement sonique se cache toujours une mélodie pop, d’une évidence aussi limpide que celle, par exemple, de When You Sleep. Le disque aura nécessité deux ans de boulot intense, folie financière qui, selon certains, a failli couler le label Creation. Kevin Shields, principale tête pensante du groupe, maniaque du studio, n’en ressortira en tout cas pas complètement indemne.

My Bloody Valentine ne donnera d’ailleurs jamais de successeur à Loveless, les rumeurs d’une suite « aux trois quarts achevée » ne s’étant jamais concrétisées. Jusqu’ici. Alors que plus personne n’y croyait, le groupe a en effet refait surface sur scène en 2007 (confirmant sa réputation de groupe le plus bruyant du monde, inécoutable sans protection auditive). De là à imaginer l’apparition de nouveaux morceaux, il n’y a qu’un pas. Que ces rééditions ne font qu’attiser encore un peu plus.

LAURENT HOEBRECHTS

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