Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Par où commencer? Peut-être par là: la décennie débute avec La Musique. Celle de Nicoletta, reprise en ch£ur par une première volée de Staracadémiciens, en 2001. La téléréalité comme symptôme d’une époque qui distribue les quarts d’heure de gloire à tout-va, suffit de se mettre dans la file. Les télécrochets aussi comme bouée de sauvetage temporaire d’une industrie à l’agonie. Car les années se terminent aussi avec La Musique… L’album de Dominique A cette fois, sorti au printemps dernier. « Tu pourras dire plus tard, j’aurai vu la fin d’un monde. «  En l’occurrence, celui du business musical, pareil aujourd’hui à la plaine de Waterloo le 18 juin 1815. Laminé par le téléchargement illégal, il a longtemps choisi la voie répressive. Sans grands résultats.

Pendant ce temps-là, l’air du temps a continué à faire la chanson. Qui s’est démultipliée, balkanisée. Fini les genres dominants, tout se croise, tout percole. Avec l’iPod comme boîte à musique, capable de stocker des milliers de morceaux. C’est grave, docteur? Dites « shuffle »… La touche magique qui vous balade de chanson en chanson, puisqu’aujourd’hui on n’écoute plus vraiment d’albums, format si désuet.

Après tout, peu importe le flacon. Tant qu’il reste un morceau d’Al Green ou de Radiohead pour vous sauver la vie. Ou vous faire tomber amoureux. De la sueur, du sang et des larmes. Dominique A, encore et toujours:  » Et le principe d’immunité tombait au pied de la musique/Et les digues de s’incliner.  » Lâcher prise, perdre pied. Après tout, c’est tout ce qu’on vous souhaite pour l’année qui vient.

THE Strokes: « Is This It »

Fin des années 90, le rock est au plus mal. Entre les lolitas pop et les boys band, il faut se farcir des disques de nu metal pas franchement finauds. En sortant Is This It, les Strokes apportent un grand bol d’air frais. Depuis New York, ils balancent un disque aussi simple que percutant. Ils ont surtout le mérite de relancer l’intérêt pour un rock perfecto, urbain et crâneur. Avec une pointe de pose arty. On l’a échappé belle. L.H.

Amy Winehouse: « Back to Black »

Dans les années 2000, la célébrité est une émission de téléréalité. A l’instar de Britney Spears, Amy Winehouse vit le succès en s’enfonçant dans une succession de dérapages. Il ne faudrait pas oublier pourtant les qualités d’un disque qui ne se contente pas de proposer une volée de chansons intemporelles. En mixant soul vintage et esprit hip hop, la Blanche Amy Winehouse a aussi fait voler les dernières barrières raciales musicales. L.H.

The Streets: « Original Pirate Material »

Le premier album de Mike Skinner consacre une bonne fois pour toute la scène hip hop britannique. Gouaille et accent cockney, Skinner s’appuie non pas sur des samples de funk, mais sur le son développé par la scène UK Garage. The Streets figure ainsi la pointe de l’iceberg d’une scène urbaine anglaise, qui n’a jamais cessé de bouillonner tout au long des « noughties », du grime au dubstep. L.H.

Two Many DJ’s: « As heard on Radio Soulwaxà »

Le téléchargement a non seulement dématerialisé la musique. Il l’a aussi désacralisée, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, ce sont les cloisons qui tombent, la musique comme un grand terrain de jeu. Comme pour les frères Dewaele qui mélangent Peaches et le Velvet, Salt’n’Peppa et les Stooges. Dans la foulée, ils injectent dans la dance une énergie rock, qui ne l’a toujours pas quittée. L.H.

THE libertines: « Up the bracket »

Avec les Libertines, c’est le retour de l’urgence et du danger dans le rock anglais. De la fulgurance aussi, celle de chansons chancelantes et toutes ébouriffées. Elles sont produites ici par Mick Jones des Clash, et c’est forcément tout un symbole. Depuis, Pete Doherty n’a pas toujours évité la caricature du people junkie. Pas au point cependant de perdre son aura de rock star baudelairienne, peut-être la dernière du genre. L.H.

MIA: « Arular »

Ces dernières années, jamais peut-être la piste de danse n’avait été aussi ouverte aux rythmes tropicaux. En fait, c’est le monde entier qui s’invite aujourd’hui sous la boule à facettes, du beat secoué des Balkans aux distorsions urbaines de Kinshasa. Anglaise d’origine tamoule, alias M.I.A., mélange ainsi attitude hip hop, rythmes carioca et tablas indiens. Le résultat est détonant, politiquement chargé. La Björk des années 2000? L.H.

Radiohead: « Kid A »

Sorti à la fin des années 90, l’album OK Computer ne fut pas seulement le chef-d’£uvre de Radiohead. Il est aussi le disque qui montrera la voie aux Anglais et leur permettra de traverser les noughties en apesanteur. Faussement hermétique, Kid A résume ainsi parfaitement la démarche d’un groupe exemplaire, arrivant à combiner expérimentations et succès public, intégrité et engagement politique. L.H.

Arcade Fire: « Funeral »

Peut-être le dernier album à avoir vraiment fait l’unanimité. En 2004, les Canadiens d’Arcade Fire déboulent avec un premier disque incandescent. Sur scène, Arcade Fire finit de convaincre lors de concerts mémorables qui les voient se transformer en une fanfare-chorale surpuissante. Signe des temps: c’est d’abord via l’enthousiasme des blogs que le culte d’Arcade Fire prendra racine. L.H.

White Stripes: « White Blood Cells »

Une fille, un garcon. Une batterie, une guitare. Le rouge et le noir. Quelque part, les White Stripes illustrent à la perfection des années 2000 qui ont trop souvent pensé en binaire (remember l’Axe du Mal du président Bush?). En musique, heureusement, cela fait souvent des étincelles. Sans jamais changer de formule, les White Stripes honorent un blues-rock aussi graisseux et poisseux que malin et aventureux. L.H.

Jay-Z: « The Blueprint »

De Pharrell Williams à Kanye West en passant par Timbaland ou Eminem, le hip hop a autant passé son temps à dominer les charts qu’à prédire sa fin toute proche. En 2002, Jay-Z annoncera ainsi une première fois sa retraite. Pas facile d’assumer le succès de The Blueprint, chef-d’£uvre du bonhomme, sorti le… 11 septembre 2001. En 2009, Jay-Z est pourtant toujours là. Plus que jamais le patron de la scène rap. L.H.

Laurent Hoebrechts

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content