On parle beaucoup d’un essoufflement des séries américaines. Et si c’était le public qui était à bout de souffle?

Il y a eu un avant et un après 24 heures chrono. Et pas uniquement parce que la série a permis aux Etats-Unis d’imaginer qu’être gouvernés par un Noir, c’était possible. En 2001, quand les aventures de Jack Bauer ont déboulé sur les écrans, elles ont déchiqueté tous les standards en vigueur à la télé. D’abord, en éclatant l’écran (ce qui permettait de suivre plusieurs actions simultanément). Ensuite, en serrant les personnages au plus près de l’action. Enfin, en exhibant une violence folle, jamais vue sur un média supposément grand public. C’était la preuve qu’on pouvait donner une claque à son public, et que de son côté, il ressente une douce caresse. 24 heures chrono a endossé le rôle de chasse-neige dans un paysage audiovisuel mondial quelque peu ankylosé, englué dans les intrigues policières et autres chroniques de couloirs de palais de justice. S’ensuivit une période de vaches grasses, où l’on louait l’imagination sans limite des auteurs. Phénomènes parmi les phénomènes: Lost, Desperate Housewives, et Prison Break. A l’époque – en 2004-2005 – le monde entier fut sidéré de découvrir de passionnantes histoires à tiroirs derrière des accroches d’une apparente simplicité (un crash d’avion, le quotidien de femmes qui s’ennuient, une évasion). Les audiences furent hallucinantes. Avant de chuter.

L’âge d’or, c’est fini, assènent les esprits chagrins et journalistes ronchons. La créativité connaît un coup de mou, et la grève des scénaristes n’a rien arrangé, disent-ils.

Injustice

La preuve? Les remakes ratés, les idées exploitées jusqu’à la corde. Lipstick jungle (RTL TVI, tous les dimanches à 17 h 10) leur donne en partie raison: la série a l’odeur et la couleur de Sex and the City, sans le goût. Si les filles y portent encore des stilettos, on sent qu’elles plongent dans des charentaises une fois la journée terminée. C’est vrai, les réseaux produisent des suites plutôt que des nouveautés. Et quand bien même ils s’attellent à des concepts innovants, les audiences n’ont rien de comparable avec celles de jadis. Et si ce n’était pas les scénaristes, les coupables? Et si c’était la faute du public? Postulat: le téléspectateur est versatile. Le nombre impressionnant de séries parmi lesquelles il doit faire son marché le déroute. Il fait les dégustations, mais ne parvient plus à choisir une crèmerie. La fournée 2007-2008 (qui arrive enfin chez nous) était faiblarde? Que nenni. Elle nous offre le grinçant Dirty Sexy Money, l’intelligent Tell me you love me, et l’émouvant Pushing Daisies. Notamment. Dire que les productions US ne sont plus ce qu’elles étaient est une injustice. Mais il n’y aura probablement plus de bulldozer comme 24 heures chrono, tout simplement parce qu’il y a eu 24 heures chrono. Et alors? Nous, on échange volontiers un baril de blockbusters contre deux de ces belles surprises.

De Myriam Leroy

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