Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Singe savant – La dernière fantaisie de Damon Albarn (Blur)? La création, avec son pote Jamie Hewlett (Gorillaz), d’un opéra pop chinois, en mandarin dans le texte.

« Harps And Angels »

Distribué par XL Recordings.

A 40 ans, Damon Albarn peut être confiant. Mieux que quiconque, il est arrivé ces dernières années à se réinventer un parcours. De là d’où il vient, la Britpop, cela n’était pas forcément évident… Son groupe Blur avait fait de lui une star internationale. Depuis sa mise entre parenthèses, Albarn a multiplié les chemins de traverse. De Gorillaz, projet cartoon pop lancé avec l’illustrateur Jamie Hewlett en 2001, à l’album Mali Music, réalisé avec des musiciens maliens, jusqu’au récent super groupe The Good, The Bad & The Queen. La dernière lubie d’Albarn n’est pas la moins extravagante. En compagnie de Hewlett, et avec le concours du célèbre metteur en scène Chen Shi-Zheng, il s’est lancé dans l’écriture d’un opéra chinois, en mandarin dans le texte… L’histoire est basée sur Voyage en Occident, épopée fantastique écrite au 16e siècle par Wu Cheng’en. Les deux Anglais ne s’avançaient pas complètement en terrain inconnu: gamins, ils se branchaient tous les vendredis soirs sur la BBC pour regarder le feuilleton Saiyuki,la version kitscho-nipponne de ce qui est souvent présenté comme l’un des plus importants romans de la littérature classique chinoise.

TOILE DE FOND

Hewlett s’est donc attelé à la mise en images – costumes, scénographie – de l’opéra, pendant qu’Albarn s’acharnait à ne pas dépasser les cinq notes de la gamme pentatonique chinoise classique.

Cela ne s’est évidemment pas fait sans plusieurs voyages sur place. Y compris pour enregistrer certaines parties, dans les vieux studios du Conservatoire de Pékin, datant encore de Mao. Trois ans après avoir lancé le projet, le spectacle sera monté pour la première fois en juin 2007, à Manchester, avant Paris et Berlin.

Le CD qui sort ces jours-ci est le témoignage de cette création. Du moins en partie. Après s’être mis en danger en concevant une musique qui devait convenir pour un spectacle scénique total, Albarn a retrouvé ses réflexes de studio. La teinte électronique qui avait disparu par exemple sur le live, réapparaît sur le disque. Malgré cela, avec ses 22 morceaux en 50 minutes, l’album ne fonctionne par lui-même qu’en partie seulement. Intrigant, mais aussi parfois irritant, Journey to the West reste une bande originale d’un spectacle long de près de deux heures. N’empêche: alors que la pop a pu s’intéresser aux sonorités africaines, sud-américaines, indiennes…, jamais elle n’avait vraiment été voir du côté de l’Empire du milieu. Pionnier, Albarn réussit ici un de ses projets les plus originaux. Et les plus politiques aussi, vu l’époque.  » Je ne peux pas faire un disque sans qu’il y ait cette toile de fond. » Sans esbroufe, mais avec un sens de l’aventure artistique qui en dit parfois plus long que de grand discours.

www.monkeyjourneytothewest.com

Laurent Hoebrechts

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