A l’affiche du Grand alibi de Pascal Bonitzer, la comédienne répugne à se pencher vers le passé. Encore que… Rencontre.

Miou-Miou en bourgeoise? Il n’y avait que Louis Malle à s’y être risqué, avec succès d’ailleurs, dans Milou en mai. Avant d’être imité une quinzaine d’années plus tard, en 2004, par Valérie Guignabodet, dans Mariages! Et, aujourd’hui, par Pascal Bonitzer, qui a confié à l’actrice le rôle d’Eliane Pagès, bourgeoise excentrique, dans Le grand alibi, adaptation du roman Le Vallon d’Agatha Christie. A l’aune d’une carrière de 35 ans et 70 films environ, voilà qui n’est pas bien lourd, on en conviendra. Bonitzer confesse d’ailleurs avoir voulu jouer la carte du contre-emploi: « Je trouvais cela amusant et intéressant par rapport à ce qu’elle avait fait précédemment, des rôles du type femme de ménage un peu dépressive, ou des choses comme ça. «  Quant à la comédienne, elle observe, amusée: « J’aime bien. Ce qui m’intéressait surtout, c’était chercher son caractère. J’ai eu un déclic en lisant le roman: c’est une vieille dame blonde aux yeux bleus, très enfantine, un peu excentrique, avec son monde à elle. A partir de là, j’ai compris sa sincérité dans ses étonnements, ses réactions – et c’est ça qui comptait, qu’elle soit sincère. » Va donc pour un emploi de bourgeoise évaporée, que l’actrice endosse avec un bel aplomb: « Il n’y a qu’à lire le scénario, l’apprendre et mettre les éléments sur lesquels on a envie de construire le personnage, et puis c’est bon. Dans certains rôles, c’est plus compliqué, cela demande plus de préparation, mais là, a priori… Après, on lui met une petite jupe, un chemisier, zou, et puis un super mari – Pierre Arditi -, et ça roule… »

UNE CARRIERE « KOLOSSALE »

Comme en un prolongement du film, notre rencontre a pour cadre le confort cossu et feutré d’un hôtel de la région liégeoise – Le grand alibi fait l’ouverture du festival du film policier. Miou-Miou y apparaît naturelle, le sourire complice et une étincelle enjouée dans le regard; absolument pas le genre à considérer son interlocuteur du haut d’une filmographie alignant quelques solides références – des Valseuses à Nettoyage à sec, de La dérobade à La science des rêves, du Grand embouteillage à La lectrice, et on en passe, excusez du peu. « Je n’aime pas me retourner vers le passé », avance-t-elle en guise de leitmotiv, alors qu’on l’interroge sur son parcours. Avant d’ajouter, en réprimant difficilement un fou rire: « Quelqu’un m’a dit un jour » vous avez une carrière colossale  » Je voyais Kolossal, avec un K, énorme, cela me faisait rire. Mais je ne sais pas ce que cela va donner au final. A un moment, j’avais une théorie: les films étaient comme des petits points reliés les uns aux autres pour former un dessin à la fin, comme dans ces jeux où on trace des lignes entre des chiffres. J’étais fière de cette petite trouvaille, mais en fait, je ne sais pas si ça fait un tout. Et, à vrai dire, je m’en fous un peu. »

Un constat, ni plus ni moins, qu’elle complète en soulignant l’éclectisme de son parcours: « J’ai joué beaucoup de personnages: religieuse, flic et prostituée, il y a eu les trois. Il y en a qui ne l’ont pas, mais moi bien. »

LES CARTES EN MAINS

Observe-t-on alors que la plupart des rôles qu’elle a incarnés ont en commun le refus de se conformer, qu’elle approuve néanmoins: « Ah oui. Mais c’est peut-être les films que j’accepte qui sont comme cela. Je choisis en fonction de l’histoire. Et après, du metteur en scène, bien sûr. » A cet égard, on ne peut manquer d’être impressionné par le nombre de « premiers » films tournés par une comédienne à l’évidence fort prisée par une nouvelle génération de cinéastes: « C’est arrivé comme ça, mais c’est énorme, trois encore cette année. J’ai besoin de réalisateurs qui, comme Michel Gondry ou Claus Drexel avec qui je viens de tourner Affaire de famille , aient un univers. Il faut qu’il y ait quelque chose de particulier dans lequel je puisse m’engouffrer, et que chacun apporte ce qu’il sait faire, dans un climat de complicité. Après Le héros de la famille , je n’ai pas tourné pendant un an. Et puis, j’ai fait trois premiers films, et celui de Pascal. Mais je ne sais pas pourquoi. C’est ce qui fait le côté agréable, mais stressant de ce métier. »

Le métier et ses à-côtés, Miou-Miou en connaît tours et détours. « C’est arrivé très tôt pour moi, ne comprenant rien, j’étais jeune et ce n’était pas mon désir d’être actrice. Tout m’est tombé dessus, succès, vedette, des trucs hallucinants. Et puis, j’ai eu un coup de mou, terrible, je n’avais plus envie. Tout me paraissait dérisoire. Mais c’est normal de passer par là, je pense: vous n’avez jamais eu de période où vous vous demandiez ce que vous faisiez? En même temps, ça ne s’est jamais vraiment arrêté, et l’envie est revenue au fur et à mesure. » Non, d’ailleurs, qu’elle nourrisse le moindre regret: « D’où je suis partie, je peux vous dire que j’ai pris toutes les cartes. Je n’en avais pas beaucoup, mais je les ai toutes utilisées. »

TEXTE JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS

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