Migos à ronger

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

DÉTERMINANT COMME JAMAIS, LE TRIO TRAP SORT UN DEUXIÈME ALBUM BOURRÉ DE FULGURANCES MONOCHROMES ET DÉSENCHANTÉES. DAB ME, I’M FAMOUS…

Migos

« Culture »

DISTRIBUÉ PAR 300 ENTERTAINMENT

8

Ceux qui pensaient que la trap music n’allait faire que passer, n’y voyant qu’un phénomène de mode destiné à rapidement disparaître, en sont pour leur frais. Il faut bien le constater: nous sommes en 2017, et rien ne semble indiquer que le courant est en train de s’essouffler. Que du contraire. Née dans le Sud des États-Unis (Atlanta et Houston, essentiellement), popularisée au creux des années 2000, la trap en est déjà, au moins, à sa deuxième génération d’artistes. On ne peut pas dire que ses codes ont énormément évolué au fil du temps: le même flow répétitif et les mêmes tics pour les mêmes histoires décomplexées de dope et de strip club, le tout sur fond de beats primitifs (Roland TR-808), couche de synthés vicelards, et hi-hat (cymbales) frémissant. C’est à partir de cette formule -finalement assez simple- que le genre a pris de plus en plus de place sur la scène rap. Pas au point de la résumer complètement, mais en pesant par contre de plus en plus lourdement sur ses derniers développements (y compris en France, pour le meilleur et pour le pire), pour finir par percoler sur des genres voisins (r’n’b, dance).

On peut d’ailleurs interpréter le titre du nouvel album de Migos (Culture) de deux manières. Non seulement comme une revendication de la trap music comme genre et culture en soi. Mais aussi comme le constat de son influence sur la sphère rap en général. Voire sur le « zeitgeist » pop tout court…

C’est d’ailleurs par ce versant-là qu’on abordera cette deuxième sortie « officielle » du trio originaire de Lawrence-ville (la grande banlieue d’Atlanta). Que l’on évoque par exemple sa capacité à pondre du « meme », sous la forme d’images ou de « gif » se répandant dans tout l’Internet. Ou que l’on pointe la façon dont un titre comme Bad & Boujee a trouvé son chemin jusqu’au sommet des hit-parades américains (détrônant le… Black Beatles, de Rae Sremmurd, autre combo trap): lors de la dernière cérémonie des Golden Globes, dont il est reparti avec deux trophées pour sa série Atlanta, Donald Glover évoquait dans ses remerciements le morceau de Migos, comme « the best song ever ». Il est aisé de dégonfler l’hyperbole. C’est plus compliqué de nier le « momentum » qu’expérimente aujourd’hui le projet de Quavo, Takeoff et Offset…

D’autant que Culture, s’il n’annonce aucune révolution musicale, tient étonnamment la route. À l’image, par exemple, de son premier single: T-Shirt est bien l’un des meilleurs morceaux du groupe, scie inusable qui s’infiltre insidieusement dans l’oreille. Migos tient là un disque solide, dense et cohérent, qui, à l’instar du Jeffery de Young Thug ou du DS2 de Future, s’est donné pour ambition d’à la fois résumer un genre, de l’ouvrir sur d’autres horizons (Big On Big), et de le marquer. Et y parvient, avec une facilité étonnante. Culture donne en effet l’impression de couler de source. Au point de passer de loin pour monotone? C’est bien cela qui finit par fasciner. Bande-son addictive de nuits trop blêmes, la musique de Migos est moins « charmante » qu’hypnotisante et désenchantée. So 2017

LAURENT HOEBRECHTS

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