Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Loin des plaisanteries bling bling, le rappeur du Havre remet l’engagement au centre du hip-hop français.

C’est peu dire qu’il ne squatte pas les Unes. ArabianPanther, le troisième album du rappeur Médine (Zaouiche), a beau constituer une indéniable réussite, il a toujours du mal à se faire une vraie place à côté des habituels poids lourds du genre. C’est que le bonhomme cumule les handicaps. D’abord, il vient du Havre. « La province, même si on est à 200 km à peine de la capitale », précise-t-il. Les problèmes sont d’ailleurs les mêmes: « On y trouve son lot de discriminations, de misère sociale, de révoltés… Lors des émeutes de 2005, cela a aussi pété ici. «  C’est dit sans vouloir la ramener. Pas le genre de la maison. C’est d’ailleurs son autre défaut: là où beaucoup jouent les gros bras, Médine choisit la nuance et le discours. « J’ai grandi en écoutant le rap français de la fin des années 90. Un rap revendicateur: IAM, NTM, Lunatic, Arsenik, Ideal J… Du coup, je dis volontiers que je fais du rap de 98 en 2009. «  Dans son Portrait chinois, Médine annonce même:  » Si j’étais un rappeur, mon frère, je serais Renaud« . Preuve que le bonhomme ne manque ni d’humour ni d’ouverture musicale. « Quelque part, c’est le premier rappeur. Je peux facilement trouver dans ses textes de l’essence pour mon activité artistique. « 

Panthère arabe

Engagé, Médine cite les Black Panthers (jusque dans la pochette et le titre du disque), Leonard Peltier ou Malcolm X, références que l’on pensait oubliées.  » Dans le rap actuel, on passe son temps à se regarder le nombril. Personne n’évoque les problèmes des populations des quartiers, des gens issus de l’immigration…  » Médine s’est lancé dans ce combat-là, avec le poids de son vécu plus qu’avec une culture politique qu’il avoue humblement ne pas avoir. « J’aurais aimé terminer mon cursus scolaire avec ne serait-ce qu’un minimum de connaissances sur le fonctionnement de l’Assemblée nationale par exemple. Mais personne ne vous enseigne ça à l’école. « 

Le Havrais part donc d’abord de son expérience personnelle, y compris religieuse. « Cela fait partie de ma vie, l’islam m’a permis de trouver un équilibre. Mais il n’y a aucun prosélytisme dans ma démarche ». A la place, le rappeur joue plutôt un jeu subtil entre second degré ( » Si l’habit ne fait pasle moine/la barbe ne fait pas l’imam » dans CodeBarbe) et provoc’. Loin des défouloirs machistes à la Orelsan, mais avec le fond en plus, jonglant avec les clichés pour mieux les dénoncer. « Quand je parle par exemple de jihad, c’est d’une part pour susciter en effet la curiosité. Mais c’est aussi pour rappeler le sens premier du mot, qui n’est pas synonyme de croisade sanguinaire, mais bien d' »effort ». Celui qu’on doit faire au quotidien pour améliorer la vie en société. » Aux extrémistes il oppose d’ail-leurs la figure du colonel Massoud. « C’est un martyr contem-porain. En étudiant sa vie, on se rend compte qu’il aurait pu être celui qui aurait scellé une nouvelle alliance entre l’islam et l’Occident. Mais voilà, certains préfèrent toujours que l’islam reste en Arabie saoudite et dans les caves-mosquées de France plutôt que de voir des gens débattre avec intelligence autour d’une table des vrais problèmes des communautés.  »

u Médine, Arabian Panther, Because. En concert le 19/07, au festival de Dour.

Laurent Hoebrechts

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