Maux d’amour

© NICK BROOMFIELD

Le réalisateur Nick Broomfield revient sur l’idylle entre Leonard Cohen et sa muse Marianne Ihlen, en déshabillant le mythe sans en oublier sa complexité.

C’est une lettre qui a fait le tour du monde. Celle que Marianne Ihlen reçut de son ex-amour, quelques jours avant sa mort, en juillet 2016. Leonard Cohen, puisque c’est bien de lui qu’il s’agit, y faisait ses adieux à celle qui lui inspira plusieurs chansons au cours des années 60 et 70 -dont la plus emblématique, So Long, Marianne-, tout en lui indiquant la suivre de près:  » I’m just a little behind you« … Un peu plus de trois mois plus tard, le chanteur-poète canadien disparaissait à son tour.

De cette romance, l’Anglais Nick Broomfield a tiré un documentaire basé sur des images d’époque, mais aussi des interviews récentes de proches. Comme souvent, celui qui a également réalisé Kurt & Courtney ou Whitney: Can I Be Me, n’oublie pas non plus de se mettre en scène. Cette fois avec un bon argument: il a lui-même connu Marianne Ihlen, avec qui il a eu une brève liaison, et gardé longtemps le contact.

C’est sur l’île grecque d’Hydra que Broomfield a rencontré Ihlen. C’est aussi là que Marianne entama sa relation avec Leonard, au début des années 60. La jeune femme norvégienne est alors séparée de son mari. S' »exilant » avec son petit garçon sur l’île du golfe saronique, elle croise un jour la route du poète canadien pas encore chanteur. Ils deviendront amants, et couple à vie, à défaut de l’être pour la vie…

Utopie sixties

Au-delà de l’histoire d’amour, c’est évidemment celle d’une relation entre l’artiste et sa muse que raconte Marianne & Leonard. Avec tout ce que le terme peut avoir aujourd’hui de désuet, a fortiori depuis que la révolte #MeToo a fait souffler un nouveau vent féministe sur la société? Pour Broomfield, la question est anachronique: source d’inspiration, Marianne est à la fois celle qui apporte des sandwiches à l’Artiste plongé en pleine création; et une femme libre et indépendante, qui entend bien profiter des nouvelles utopies de son époque.

Quitte d’ailleurs à se faire rattraper à un moment par la réalité. Car les rêves hippies des sixties ne dureront pas.  » J’ai eu cette chance folle de vivre ce très court moment de l’histoire humaine pendant lequel exista une coopération unique entre la femme et l’homme, notamment au niveau sexuel », explique ainsi Cohen . Ce que montre Broomfield, c’est que cette « concorde » était peut-être aussi un leurre. De paradis hédoniste, Hydra se transformera ainsi en piège, dont la plupart ne ressortiront pas indemne. À ce moment-là, Leonard Cohen est déjà ailleurs. Devenu chanteur célèbre, il s’éloignera toujours plus de Marianne Ihlen, sans jamais toutefois couper tout à fait les ponts -elle est là, invitée au premier rang, quand il remonte sur scène, fanfaron, à la fin des années 2000.

Maux d'amour

Il est toujours dangereux de se pencher trop attentivement sur les histoires d’amour: on risque trop souvent d’y découvrir un champ de mines.  » Cette histoire m’a détruite« , avoue d’ailleurs Marianne dans une interview radio. Et pourtant, malgré toutes ses sinuosités, le « mythe » de leur amour restera intact. Quand Broomfield termine son récit, revenant sur le dernier message de Leonard à Marianne, il n’y a ni rancune ni amertume. Juste les derniers mots d' » amour infini et de gratitude« . Poignants.

Marianne & Leonard: Words of Love

De Nick Broomfield. Avec Marianne Ihlen, Leonard Cohen, Ron Cornelius, Helle Goldman. 1 h 42. Sortie: 18/03.

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