Maritima

Martigues, en Provence. Jessica, jeune veuve flanquée d’un marmot scotché aux écrans, surveille depuis la fenêtre de son appartement haut perché les mouvements maritimes des bancs de muges (aussi appelés mulets), dont les oeufs constituent la matière première du caviar local: la « poutargue ». Autour d’elle, un paradis naturel, vicié au quotidien par la concentration d’industries pétrochimiques ou sidérurgiques type ArcelorMittal. Intimement attachée à cette terre, toute une galerie de personnages tente de trouver un sens à son sédentarisme forcené, quand la carte postale vire progressivement au paysage post-apocalyptique: papys pêcheurs, enfants d’immigrés devenus marins ou ingénieurs, minots suractifs -ou doués-, syndicalistes, « gens du voyage »… Dans chaque famille, des décès accidentels, brutaux, donnent lieu à des légendes ou des silences, quand le destin collectif promet pourtant de suivre une route moins abrupte mais aussi funeste: perte de la parole, pourrissement des organes, dépression sinon folie -le tout à l’ombre des complexes industriels, sur les rives d’étangs pollués. Il faudra un nouveau drame macabre, à la sortie de l’été, pour remuer tout ce petit monde, le confronter au réel et rebattre les cartes. D’un tableau sinistre, Sigolène Vinson fait affleurer une réelle grâce, politique et lumineuse.

de Sigolène Vinson, ÉDITIONS DE L’Observatoire, 304 pages.

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