Myriam Leroy
Myriam Leroy Journaliste, chroniqueuse, écrivain

20.05 LA DEUX

D’ HENRI DE GERLACHE. AVEC CHARLIE DUPONT. DANS LE CADRE D’UNE SOIRéE SPéCIALE MAGRITTE ANIMéE PAR HADJA LAHBIB. REDIFFUSION LE 2 JUIN DANS LE CADRE DE QUAI DES BELGES SUR ARTE BELGIQUE à 22.25.

Il disait, sans fanfaronnade, en roulant les « r » comme de gros bonbons en bouche: « Il paraît que certains tableaux se vendent un million? ça m’est tout à fait indifférent. » Mais qui est donc René Magritte, peintre surréaliste dont l’£uvre la plus célèbre, La trahison des images (sous-titrée « Ceci n’est pas une pipe »), en dit long sur ses efforts pour échapper aux définitions. Sur les lignes de fuite qui écartent le visible du réel. Une toile qui est en quelque sorte une métaphore de lui-même, lui qui semble s’être attaché méthodiquement à donner de sa personne une image lointaine de ce qu’il était vraiment. Le comédien Charlie Dupont (qui est lui aussi né du côté de Lessines) s’élance sur les traces de l’artiste, deux jours avant l’ouverture au public du plus grand musée jamais consacré à son £uvre, Place Royale, à Bruxelles. Dupont incarne à la fois le journaliste (c’est lui qui interviewe les témoins), le détective, le sosie et bientôt, le clone, dans ce documentaire original qui passe en revue l’£uvre et la vie du plus grand ambassadeur belge du surréalisme. Un homme que d’aucuns décrivent comme banal, petit-bourgeois, encarcané dans un quotidien routinier aux côtés de son épouse Georgette. Et que l’on découvre ici à la fois fantasque et mélancolique, excentrique et drôle, solitaire et grégaire à la fois: complexe. Et artiste, jusqu’au rebord du chapeau boule. Un volcan engoncé dans un costume de banquier, en somme.

DOIGT D’HONNEUR

Ce film fait appel à des documents d’archives (certains tournés par Magritte lui-même), des photographies (parfois animées, dans lesquelles on peut se projeter), des témoignages de proches et de spécialistes (de Bruxelles à New York), et à une mise en scène de Charlie Dupont, qui, au fur et a mesure qu’il cerne le personnage, se mue en lui, adoptant jusqu’à ses mimiques. Magritte, le jour et la nuit balaie l’enfance du peintre, sa passion adolescente pour le cinéma et la figure de Fantomas, ses virées en bandes dont il gardera la mentalité de groupe, le suicide de sa mère, noyée dans la Sambre et retrouvée deux semaines plus tard la robe de nuit sur le visage, ses jeux dans les cimetières… Et puis son inscription à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles, son mariage, sa montée à Paris, son retour dépité à Bruxelles. Sa période vache, où il crache 24 toiles criardes au visage des critiques parisiens, doigt d’honneur aux bien-pensants. Enfin, le succès, jusqu’à la mort. Un film limpide et très documenté, joliment mis en images, en musique et en mots… Remarquable.

Myriam Leroy

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