Maes sans pression

À 25 ans, Maes, alias Walid Georgey, est devenu l’un des cadors du rap français, mélangeant gangsterologie et mélancolie banlieusarde. La preuve avec Les Derniers salopards, son dernier blockbuster made in Sevran, dont il décortique la pochette.

« On a shooté l’image à la cité des Beaudottes, au bas de mon immeuble, le 6. C’était important de ramener la réussite dans le quartier. En vrai, Sevran ressemble à pas grand-chose. Il n’y a que des cités, et un Carrefour au milieu pour faire les courses -et se mettre sur la tronche, quand t’es jeune (rires). Mais c’est là qu’est mon coeur, mon âme, ma raison. Là au moins, personne ne me demande de photos dans la rue. À part les tout petits. Mais quand ça arrive, je les briefe: impossible de faire des photos à la cité. Je suis pas une star. Je suis qu’au début de ma carrière. Si ça se trouve, demain, je peux flopper. Faut leur montrer que t’es comme eux. Sinon après, y a un décalage. Et donc une différence. Et quand il y a une différence, il y a problème. Je ne vaux pas plus que les autres. Si je dois laisser ma place à un autre, je vais la laisser. »

« J’ai vu le buzz des rappeurs pas très forts, mais avec un style de guedin. Je me suis dit que moi aussi, j’allais faire attention à mon apparence. Au moins une petite paire de lunettes (rires). J’ai pas inventé les Cazal, hein. Mais aujourd’hui si tu en portes, tout le monde va te dire que tu veux faire comme Maes. Ça, et ce que j’appelle la coupe à l’eau tiède, celle de mes grands-frères (rires). Cela amène une identité visuelle. Avec les clips derrière, c’est important d’amener aussi ça. C’est comme une pizza avec sa sauce pimentée. La sauce, c’est toujours important… »

« Je raconte toujours la vérité dans mes textes. Des fois, je fais des bêtises, je me dégoûte. Si je dis que j’ai tiré, j’ai tiré. Après, des fois, je parle de mes potes, de ce que j’ai vu, entendu. Je suis pas le seul jeune de cité qui a essayé de se débrouiller d’une manière sale (Maes a fait 18 mois de prison, NDLR). Aujourd’hui, je réussis de manière plus légale. »

« Au poignet, j’ai toujours pas ma Audemars. » (extrait du titre Elvira)

« Je suis pauvre, moi, j’attends toujours les sous de la Sacem, ils veulent pas me payer (rires). Et une montre Audemars, ça coûte cher: 60 000, 80 000 euros pour voir le temps, franchement, laisse tomber, je préfère prendre une Casio. (rires) De toute façon, j’aime pas ce délire de m’inventer une vie. Chacun ses objectifs. Le mien, c’est de vivre de ma passion. Et, le jour où ça s’arrête, d’avoir amassé assez pour ne plus devoir travailler. C’est beau, non? (rires) Frank Lucas le dit bien: tu préfères avoir peu de succès et beaucoup d’amis, ou peu d’amis et beaucoup de succès? Le calcul est vite fait. De toutes façons, les gens sont habitués ici. J’ai grandi dans une cité où les grands étaient millionnaires. Il y avait une tour, tous les jours, ça vendait pour 100 000 euros de drogue. Les mecs avaient 20 ans et roulaient en Ferrari. Tout le monde se débrouille, à différentes échelles. Moi je flambe pas, je roule dans une petite Clio 4, vitres électriques, tu connais (rires). »

« Tout le monde me parle de la dernière Cène. Mais en fait, l’image est inspirée d’American Gangster (le film de Ridley Scott, inspiré de la vie du gangster Frank Lucas, NDLR). Autour de moi, ce sont mes proches: Maars, mon manager Diosang, etc. C’est Fifou qui a eu l’idée de la pochette, l’une des grosses têtes de l’image du rap français (il a travaillé avec Booba, PNL, Dinos, Kaaris, etc., NDLR). Je porte le costard blanc avec lequel je me suis marié. Quand ma femme a vu ça, elle m’a engueulé: « La honte, tu fais du recyclage! » (rires)

Maes, Les Derniers Salopards, distribué par Universal. En concert le 03/04 à la Madeleine, Bruxelles, et le 10/07 aux Ardentes, Liège.

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