Machines qui rêvent

Sherlock

Un ouvrage fouillé interroge le devenir humain à l’aune des séries multipliant les créatures artificielles et les mondes virtuels à l’écran.

 » Human after all« , affirmaient les deux Daft Punk en 2005 sur leur disque du même nom.  » Robots après tout« , leur répondait, rieur, Philippe Katerine quelques mois plus tard. C’est, au fond, sur cette indécision d’ordre quasi ontologique que se fonde aujourd’hui l’ouvrage d’Hélène Machinal (ce nom tout en prédestination…), universitaire spécialisée en littérature policière et fiction spéculative. En guise d’avant-propos, elle écrit ainsi:  » Depuis les années 2000, la fiction s’est peuplée de créatures artificielles et d’humains augmentés, de mondes virtuels ou parallèles, d’intelligences artificielles et de mondes postcataclysmiques qui renouvellent les questionnements sur l’identité humaine. Avec l’avènement des séries à narration complexe, la fiction explore à l’écran les possibles devenirs de l’humain. »

Sous-titré Les Détectives du futur, le livre part de la figure très connectée du Sherlock campé par Benedict Cumberbatch pour la BBC, héros à peine humain dont le cerveau-ordinateur a tout d’un disque dur, pour balayer un large corpus de séries récentes multipliant les représentations du posthumain à l’écran, entre androïdes, cyborgs, robots et clones. De Fringe à Westworld en passant par Person of Interest, Sense8, Mr. Robot, The Expanse, Altered Carbon, Orphan Black, The Handmaid’s Tale ou même certains épisodes de Black Mirror… En s’appuyant sur des objets qui hybrident souvent science-fiction et récit policier, la chercheuse montre bien à quel point la transformation du corps et/ou de l’esprit par des technologies implique un devenir autre de l’individu et de l’environnement au sein duquel il évolue. Avec l’inévitable vertige existentiel que cela entraîne: la perspective de l’émergence possible d’une conscience numérique, en effet, tendrait à battre en brèche l’idée même d’une humanité avant tout définie par sa capacité à penser.

Machines qui rêvent

Pas dénué d’une certaine lourdeur conceptuelle typiquement universitaire, l’ouvrage impressionne par les analyses hyper pointues de séries qu’il propose, excellant notamment dans la mise en lumière de motifs récurrents qu’il organise ensuite en véritable réseau de réflexion.  » Nous sommes entrés dans l’ère de la société écranique« , souligne Machinal, qui ne se fait faute de rappeler à quel point toutes ces séries questionnent aussi, par la bande, le pouvoir des images et des médias, les simulacres de réalité qu’ils peuvent construire. La multiplication des corps biotechnologiques sur les petits écrans pose par ailleurs également la question de l’altérité, et de son acceptation ou non. En ce sens, Posthumains en série invite à dépasser le simple binarisme homme versus machine pour appréhender le devenir humain sous toutes ses formes et manifestations possibles. Inspirant.

Posthumains en série

D’Hélène Machinal, éditions Presses universitaires François-Rabelais, 394 pages.

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