Lust, Caution

Ann Hui situe dans le Hong Kong de l’époque coloniale un mélodrame à trois voix inspiré de l’oeuvre de Eileen Chang.

Aujourd’hui quelque peu oubliée, Ann Hui a compté parmi les figures de proue de la Nouvelle Vague hongkongaise, des films comme Boat People, Summer Snow, Song of Exile et jusqu’à A Simple Life lui assurant une notoriété internationale. Disponible en exclusivité sur la plateforme Mubi, Love After Love, son dernier opus à ce jour, avait eu, en 2020, les honneurs de la Mostra de Venise, où elle recevait un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière. La cinéaste y renoue avec l’oeuvre d’Eileen Chang, autrice sino-américaine qu’elle avait déjà adaptée pour Love in a Fallen City, en 1984, et Eighteen Springs, en 1997.  » Le traitement du thème de l’amour est différent dans Love After Love, nous confiait-elle en cette occasion. L’idée même de l’amour y est plus aventureuse et originale. »

Langueur enivrante

Se déroulant à Hong Kong dans les années 40, Love After Love suit Ge Weilong (Ma Sichun), une jeune fille de condition modeste débarquée de Shanghai dans l’espoir que sa tante, Madame Liang (Yu Feihong), l’aide à financer ses études. Et cela, quand bien même cette dernière a été répudiée par sa famille après avoir refusé un mariage arrangé pour devenir la concubine d’un riche homme d’affaires dont elle a hérité depuis. Si Mrs Liang se résout à accueillir sa nièce, c’est moins par grandeur d’âme toutefois que parce qu’elle entrevoit la possibilité d’utiliser la jolie et naïve Weilong au mieux de ses intérêts, alors que les beaux partis se bousculent lors de ses fastueuses garden parties rassemblant l’élite locale. Un environnement trouble dans lequel l’adolescente se laisse aspirer en guise d’éducation sentimentale, succombant bientôt au charme de George (Eddie Peng), un play-boy quelque peu inconsistant, en dépit des mises en garde de sa soeur Kitty (Isabella Leong).

Lust, Caution

 » Ici, tout est fait à la manière des Britanniques« , souligne Mrs Liang à l’attention de sa protégée, Ann Hui s’employant dans la foulée à restituer la texture de l’époque coloniale à Hong Kong – » avoir une connaissance intime de cette période a constitué un avantage« -, en même temps qu’elle plonge dans les méandres d’un mélodrame à trois voix avec son noeud de relations complexes. La séduction opère -on songe, jusqu’à un certain point, au Lust, Caution d’Ang Lee, également inspiré de Eileen Chang-, la photographie de Christopher Doyle (le directeur photo attitré de Wong Kar-wai) donnant à l’histoire des contours aussi chatoyants que sensuels, discrètement ponctués par la partition de Ryuichi Sakamoto. S’il y a là indubitablement quelques longueurs, et que le film ne se départit pas de son classicisme bon teint, Love After Love dispense, entre luxure et prudence en effet, une langueur délicatement enivrante, tout en esquissant un scintillant portrait de femmes.

Love After Love

De Ann Hui. Avec Ma Sichun, Yu Feihong, Eddie Peng. 2 h 24. Disponible sur Mubi.

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