Loin des querelles du monde

Quel dur métier que celui d’auteur à succès. Lassé de flatter le goût corrompu de ses contemporains, Germain Pourrières veut en finir avec les best-sellers. « Terminé pour moi les grosses machines, je pense qu’à mon âge et à mon niveau, j’ai le droit de faire ce qui me chante, de prendre des risques, de sortir des sentiers battus… » Son agent sourit: « Je crois tes lecteurs incapables de faire la différence. » Si le mufle littéraire s’ébroue dans son enclos germanopratin, sa soeur Bergère élève des chèvres au fin fond des Cévennes. Filant la passion avec un plasticien céramiste à la sauvagerie appétissante, la jeune femme fuit ses responsabilités comme son rôle de mère, parce que « Paris, tu comprends… ». On a cru un moment feuilleter un pastiche du microcosme parisien -un de plus. Sauf qu’Anna Rozen ( J’ai eu des nuits ridicules) transforme tout ce qu’elle touche en friandise, fait florès de chaque conversation. Voilà qu’on s’attache à l’horripilant Germain comme on s’acoquine des soliloques d’un Jean-Pierre Léaud draguant à la terrasse des Deux Magots, tournant autour de « ce vieil amour merdique » dans La Maman et la Putain d’Eustache. Sous le vernis craquelé d’une oisiveté irréelle, entre scènes sensuelles et joutes verbales, le roman n’est pas avare en portraits féminins bien trempés, où les alter ego, maîtresses suaves et piquantes, clouent le bec des persifleurs. Anna Rozen y cultive avec tact et humour l’élégance de la litote.

D’Anna Rozen, éditions Le Dilettante, 256 pages.

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