Le 2e et dernier volume du manhwa L’Idiot vient de paraître. Peut-on opposer cet « idiot du village » coréen à son alter ego occidental? Confrontation avec le Face de Lune de Boucq & Jodorowsky.

De Kang Full, éditions Hanguk. De Boucq et Jodorowski, éditions Casterman.

LE MAGICIEN

Comme souvent dans la bande dessinée asiatique, l’important, c’est le quotidien. C’est au c£ur de la vie de chacun que naît cette « petite magie du sentiment » que relate ici, avec beaucoup de sensibilité, Kang Full. Le « surnaturel » – un mot certes trop fort – vient d’un cocktail proustien: piano nostalgique, souvenir d’enfance… et des étoiles commencent à tomber du ciel.

LE SAUVEUR

Seung-lyong n’est pas né idiot: intoxiqué par du CO2, son père aura juste la force de le sauver avant de périr lui-même. A son tour, devenu jeune homme, l' »idiot » sauvera sa s£ur, son meilleur ami et, indirectement, la jeune femme qui fait « tomber les étoiles » avec son piano. Au prix de sa propre existence.

LE CRÉATEUR

Kang Do-Young (Kang Full est un pseudo) est né en 1974 à Séoul. Particularité: diffuser ses planches via son propre site Internet (www.kangfull.com) a fait de lui un « acteur incontournable » de la BD en ligne dans son pays. Son style: de petits dessins naïfs, carrés, traités à l’ordinateur. L’enfance se marque donc jusque dans le trait.

LE MAGICIEN

Jodorowsky déploie un univers SF très typé. Pas de vraie présence d’un quotidien réaliste chez lui: bienvenue dans un « space opera » très fouillé et bourré d’obsessions personnelles. La magie exercée par Face de Lune tient davantage du merveilleux assumé que de la petite musique de tous les jours. Cet idiot est un magicien certes « simple » mais qui communique avec les vagues et les fourmis.

LE SAUVEUR

Le personnage de Face de Lune est résolument christique. Dompteur de vagues, il commande aussi aux plantes et accomplit des miracles. Comme celui de construire une cathédrale en trois jours, référence à Jean, 2:19: « Jésus leur répondit: détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai.  » Un récit d’abnégation.

LE CRÉATEUR

François Boucq est né à Lille en 1955. Une génération avant Kang Full, donc. Son style est nettement plus « adulte », touffu, contrasté. Dans une certaine tradition française, aussi, celle de Métal Hurlant, de Moebius – la comparaison n’est pas gratuite, puisqu’il s’agit d’un autre vieux complice du scénariste-fou Jodorowsky.