Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Moretti, clap première – Un coffret de 4 DVD vient rappeler les beaux et hilarants débuts du plus original et passionnant cinéaste italien de sa génération.

3 longs-métrages et 4 courts-métrages de Nanni Moretti. Coffret 4 DVD. 6 h 26. Dist: Twin Pics.

C’est un bien beau ca-deau que les éditions Montparnasse viennent de déposer à l’attention des cinéphiles en général, et des amateurs de Nanni Moretti en particulier. En 4 DVD, c’est la naissance de ce très singulier talent qui se trouve évoquée. La naissance à l’écran d’une personnalité majeure de la scène culturelle italienne des 30 dernières années, un homme-orchestre (il écrit, produit, joue et réalise ses films) et un grand empêcheur de penser en rond. Les 3 premiers longs-métrages de Moretti sont bien sûr au rendez-vous, accompagnés de bonus très intéressants, et de quelques courts-métrages globalement moins indispensables même si assurément dignes d’attention. Io sono un autarchico ( Je suis un autarcique) ouvre le bal en réunissant d’emblée tout ce qui fera la popularité du natif de Brunico, dans le Haut-Adige. En 1976, Giovanni Moretti (affublé déjà du diminutif Nanni) a seulement 23 ans. Il tourne en Super 8, avec une bande de copains, un film aussi drôle et grinçant que personnel et chevillé à sa génération. Moustachu, le cheveu long, Michele Apicella (1) se retrouve seul à élever son jeune fils quand sa femme le quitte. Un ami qui veut monter un spectacle théâtral d’avant-garde l’embringuera dans une aventure créative chaotique en diable, avec au bout du compte une probable désillusion… L’autodérision chère au cinéaste est à l’£uvre, déjà, prenant pour cible le gauchisme d’une certaine jeunesse se piquant de changer l’art tout en projetant de changer le monde. Les scènes où la petite troupe de théâtre s’engage dans un trekking montagnard évoquant l’entraînement révolutionnaire sont hilarantes, surtout quand le héros découvre, horrifié, qu’il va manquer, pour l’occasion, le derby de football entre la Roma et la Lazio! Une touche exemplaire du comique volontiers mordant qui fait la marque de Moretti, et qui sera pour beaucoup dans le succès remporté par le film. Gonflé en 16mm, Io sono un autarchico sera vu par un très nombreux public, Moretti assurant lui-même chaque projection par peur de voir la copie unique (faute de négatif) perdue, volée ou abîmée…

Jeu de massacre

Deux ans plus tard, Ecce Bombo affiche quelques maladresses de moins tout en confirmant avec éloquence le style et le propos d’un réalisateur incarnant cette fois un étudiant qui vit encore chez ses parents et se réunit avec quelques copains pour mesurer (douloureusement, mais comiquement) leur place dans le monde et ce qu’ils pourraient bien y faire, politiquement, artistiquement mais aussi sexuellement. Un pur régal, passant une génération au crible d’un regard critique et amusé, tendre aussi parfois comme lors d’une scène de soudaine émotion autour d’un disque de Puccini… Le succès s’amplifiant, de plus importants moyens purent être engagés pour Sogni d’oro (1981), une satire épatante du cinéma et de la télévision, cette dernière étant exposée dans toute sa vulgarité crasse et sa démagogie dans une séquence où 2 jeunes réalisateurs (dont Moretti) sont opposés dans une sorte de jeu de massacre arbitré par un public « de merde » en voie d’abrutissement total. A consommer sans modération, avant de revoir ces sommets à venir que sont Palombella Rossa, Caro Diario et La Stanza del figlio. l

(1) Ce sera le nom du personnage récurrent joué aussi par Moretti dans ses films suivants. Apicella étant le nom de jeune fille de sa mère…

Louis Danvers

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