Self made man par excellence, Jean-Claude Van Damme a marqué le cinéma d’action avant d’en subir les limites et l’usure.

Les années soixante venaient de débuter. A Berchem-Ste-Agathe, la famille Van Varenberg accueillait un beau bébé prénommé Jean-Claude Camille François. Seize ans plus tard, le gamin quittait l’école pour se consacrer au sport, au karaté qui allait lui faire traverser l’Atlantique. Pour combattre d’abord, puis (après avoir géré une salle de fitness à Bruxelles) pour se faire une place au soleil de Hollywood. A l’époque, Chuck Norris tenait le haut du pavé dans le cinéma d’action et d’arts martiaux. Plus grand, d’évidence plus beau, plus fort aussi peut-être, l’expatrié pouvait rêver d’une place à prendre. Après quelques années de galère où il fit notamment le taxi, le livreur de pizza, Jean-Claude prit le pseudonyme de Van Damme, et rencontra le producteur israélien Menahem Golan, l’homme qui devait lui donner sa chance. Bloodsport (1988) allait le propulser d’emblée vers les sommets du genre. Filmé avec hargne et réalisme par Newt Arnold, le film chroniquait, combat par combat, la progression d’un certain Frank Dux vers le titre de champion dans une compétition ultime, le « kumité », où s’affrontent les meilleurs spécialistes d’arts martiaux free style. Tourné à Hong-Kong, avec les conseils avisés du vrai (et légendaire) Frank Dux, Bloodsport était destiné au marché vidéo, mais son impact fut tel que les sorties en salle se multiplièrent dans le monde entier.

GRANDEUR, DéCADENCE, RENAISSANCE

Les créateurs du jeu vidéo à succès Mortal Kombat devaient s’en inspirer. Van Damme, lui, était la nouvelle idole de millions de fans ne jurant plus que par son charisme intense, son style direct, son regard perçant, sa musculature plus élégante que celle de l’anabolisé Schwarzie…

Désormais, le ciel était la seule limite, et même la concurrence du sombre Steven Seagal (avec lequel il faillit se battre réellement, et qui est épinglé d’amusante façon dans JCVD) n’était pas de nature à freiner l’ascension. Kickboxer, Full Contact, Universal Soldier, Timecop et quelques autres films vite et bien faits prolongeaient l’élan de celui qui s’empressait aussi d’aller chercher à Hong-Kong le maître extrême-oriental du cinéma d’action John Woo, pour l’amener à Hollywood. Ensemble, ils firent Hard Target ( Chasse à l’homme), une réussite. Mais sans doute mal conseillé, Van Damme signait des deals de plusieurs films où la part du salaire restait élevée, mais où les moyens attribués à la fabrication du film lui-même se réduisaient comme peau de chagrin. Les films cessèrent progressivement d’avoir une sortie en salles pour connaître le sort initialement promis à Bloodsport: destination immédiate vidéoclub…

On ne s’étendra pas sur les problèmes personnels vécus durant ce passage du paradis des stars à l’enfer (doré) des nanars affligeants. Les (nombreux) fidèles gardaient leur admiration à Jean-Claude, les médias plongeaient sur ses aphorismes confondants pour en faire un amuseur involontaire. La célébrité se déclinait désormais au glorieux passé, ou à un présent moqueur. Dans Narco, Gilles Lellouche invitait Van Damme à tenir son propre rôle, face à la nouvelle star made in Belgium Benoît Poelvoorde. Est-ce en voyant ces quelques scènes étrangement touchantes que certains, à la Gaumont, eurent l’idée de ce qui allait devenir JCVD? A 47 ans, l’heure du retour au premier plan sonnait, à l’heure belgo-française et sous le double signe d’un humour et d’une introspection presque totalement absents jusque-là de sa filmographie. C’est parfois dans l’ironie que renaissent les légendes.

TEXTE LOUIS DANVERS

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