Si le président des États-Unis reste une vedette incontestable des écrans – grands et petits -, il n’est pas rare que les acteurs et réalisateurs s’invitent également dans la campagne. État des lieux.

Représentant emblématique de la nation américaine, non sans cristalliser, sur sa seule personne, un potentiel dramatique considérable, le président des Etats-Unis avait, à l’évidence, les aptitudes d’une immense star de cinéma. Hollywood ne s’y est pas trompée qui, dès les années 30, en a fait l’une de ses valeurs les plus sûres, pour en multiplier les représentations, tantôt réalistes, tantôt fantaisistes.

A l’instar d’un David Wark Griffith, faisant le portrait d’ Abraham Lincoln, ou d’un John Ford lançant, sous les traits d’Henry Fonda, ce même Lincoln Vers sa destinée, les cinéastes classiques adoptent la figure présidentielle, dont la stature et le charisme habiteront désormais le cinéma américain. Si les locataires de la Maison-Blanche s’invitent dès lors, plus ou moins discrets, dans des films par centaines – jusqu’à y être représentés de la plus symbolique des façons à travers le Mémorial du Mont Rushmore dans North by Northwest de Hitchcock -, tous ne seront pourtant pas égaux face à la caméra. Président glamour, John Fitzgerald Kennedy séduit, forcément, Hollywood – il occupera notamment l’écran de David Miller ( Executive Action) et de Roger Donaldson ( 13 Days, film à redécouvrir autour de la crise des missiles à Cuba), non sans être au c£ur du JFK d’Oliver Stone.

S’instituant homme des présidents ( lire par ailleurs), ce dernier enchaîne, quelques années plus tard avec Nixon. Au-delà de la mémorable composition d’Anthony Hopkins, le film souligne la dimension tragique du personnage qui, frappé d’infamie, inspirera lui aussi quantité de réalisateurs, d’Alan J. Pakula pour Les Hommes du président à Robert Altman pour Secret Honor. Ou encore, tout récemment, Ron Howard pour un passionnant Frost/Nixon (annoncé sur nos écrans en janvier).

Autre star incontestable, George W. Bush, que Stone, toujours lui, brocarde un peu vainement dans W. . Un W qui déborde d’ailleurs le cadre hollywoodien, puisqu’on retrouve encore aussi bien dans Being W. de Karl Zero, que dans un faux documentaire stupéfiant, Death of a President de Gabriel Range, qui imagine, de fort réaliste façon, son assassinat et ses répercussions.

La réalité rejoint la fiction

C’est dire si, avec George W., qui s’y prêtait il est vrai à merveille, les représentations du président ont glissé vers la fantaisie, de bon ou mauvais goût, d’ailleurs. C’est là l’autre manne des scénaristes hollywoodiens, qui ont pu composer des variantes présidentielles dans toutes les situations imaginables. A commencer par deux représentations qui, jusqu’à la campagne sur le point de s’achever, semblaient relever strictement du domaine de la spéculation. A savoir, d’une part, une femme présidente (Polly Bergen dans Kisses for My President, de Curtis Bernhardt). Et, d’autre part, un président noir (Morgan Freeman dans Deep Impact de Mimi Leder).

En la matière, la réalité s’apprêterait donc à rejoindre une fiction qui a, par ailleurs, multiplié les déclinaisons du président: responsable, comme Harrison Ford dans Air Force One de Wolfgang Petersen (dans ce qui reste l’incarnation préférée des Américains); séducteur, comme John Travolta dans Primary Colors de Mike Nichols; martial, comme Bill Pullman dans Independance Day de Roland Emmerich; assassin, comme Gene Hackman dans Absolute Power de Clint Eastwood; voire encore bouffon, comme le Jack Nicholson de Mars Attacks! de Tim Burton. On en passe, et des meilleures.

La plaisanterie aurait-elle cependant assez duré? Parmi les projets inscrits à l’horizon hollywoodien, on compte Lincoln de Steven Spielberg, avec Liam Neeson dans le rôle-titre, et The Rise of Theodore Roosevelt de Martin Scorsese, autour, cette fois, de Leonardo DiCaprio. De quoi redorer quelque peu le blason de l’hôte de la Maison-Blanche, au prestige singulièrement écorné…

Texte Jean-François Pluijgers