En France, la télévision raffole des gens du plat pays. Rencontre avec nos nouveaux ambassadeurs.

Coluche, dans son célébrissime sketch Le Belge, imaginait l’histoire d’un mec qui dépensait toutes ses pièces dans une machine à Coca-Cola: « Ben, dites donc, tant que j’gagne je joue, hein! ». Eh bien l’histoire des Belges à Paris, c’est un peu ça, en moins con. On joue, on gagne, alors on joue. Nos modeux n’ont plus grand-chose à prouver, nos acteurs de ciné non plus – un film avec Yolande Moreau et Benoît Poelvoorde en tête de gondole fait rarement un four. La nouveauté, c’est que la télévision, produit de masse par excellence, temple de la grande consommation qui ne doit surtout pas contrarier la ménagère, a essayé les Belges, et les a aussi adoptés. Jusque dans ses produits les plus calibrés pour vendre des parts de cerveau disponibles aux annonceurs. Imaginez-vous: jusque dans la téléréalité et au Loto, orchestré par Julie Taton (1)! Il ne s’agit pas ici de draguer un riquiqui marché noir-jaune-rougemaousse pas costo du tout. Pourquoi, dès lors? « Je me le demande. On a accès aux castings comme tout le monde, et les directeurs ne savent pas forcément qu’on est belge », explique Caroline Veyt (2), qui vient de décrocher la timbale en obtenant le premier rôle de la nouvelle série de TF1 Seconde Chance. « Ils ignoraient par exemple que j’habitais en Belgique. Mais c’est vrai qu’il y a une vague belge. On est de plus en plus à Paris et ça se passe plutôt bien. On me dit que les Français apprécient notre travail, notre rigueur, notre professionnalisme. Ils aiment les formations qu’on nous donne en Belgique. Et puis, on a une fraîcheur qui n’est pas forcément parisienne. » Surprenant: si outre-Quiévrain on vient taquiner du Belge, ici, on se cherche des Français: « C’est normal, analyse Veyt, on a besoin de têtes d’affiche en Belgique pour que ça décolle. Tandis que par exemple, sur le casting de Seconde Chance, ils ne voulaient surtout pas d’acteurs connus. »

Thalys

Charlie Dupont (3) partage et l’affiche de la série avec la blonde gracile et son opinion: « On a une non prise de chou qui leur fait du bien. » Dupont – qu’on a pu voir dans une foule de téléfilms, dans Faux Contact, ainsi que dans la série Hard de Canal + (…) – passe sa vie dans le Thalys. « Je suis le plus possible à Bruxelles. Paris est formidable, j’aime qu’elle soit ma maîtresse, mais je veux que Bruxelles reste ma femme, comme le chantait Dick Annegarn. » Même optique pour François Damiens (4) – « La gare du Nord, c’est le QG des Belges: on prend tous le train aux mêmes heures » -, qui fait une percée incroyable en France, tant à la télé qu’au cinéma. En ce moment, il travaille notamment sur une émission pour Canal + avec la superstar belge du petit écran français Virginie Efira (5) (« une émission dans laquelle il y aura beaucoup de belgitude », a promis la belle), et enchaîne les tournages. Là, il commence les répétitions d’un film d’Axelle Ropert avec Valérie Benguigui, qui relate l’histoire d’une famille juive. Un film d’art et d’essai – « c’est ce qu’on m’a dit », raconte François Damiens. De l’humour coussin péteur au film d’auteur, il trace son chemin vers le haut avec la même aisance. Et se réjouit de la durabilité de l’engouement pour les Belges: « Les modes passent par essence, mais je ne sens pas les signes avant-coureurs de la fin de celle-ci. » L’ex-L’Embrouille, contrairement à Charlie Dupont et Caroline Veyt, ne veut pas d’un appartement à Paris. « Je ne suis pas du tout parisien dans l’âme. Je suis quelqu’un d’assez lent. Déménager là-bas, ce serait comme mettre du diesel dans une essence. Je doute de tout, en général, mais c’est l’une des rares choses dont je suis absolument certain. «  Et d’énumérer les galères qui attendent celui qui « monte » à la capitale, les appartements minuscules, le stress, les embout’… « Faut se battre partout, tout le temps, avec tout le monde, même pour s’acheter un sandwich. » Et puisque les chaînes et les studios lui paient l’hôtel si besoin est, il n’y a pas lieu d’hésiter très longtemps.

Damiens est un Belge pur jus, dans l’accent, la culture et la manière. Mais il fait rigoler au-delà des frontières. « Parce que je n’ai pas de limite. Beaucoup de Français n’osent pas jouer les cons. Veulent rester classe. Regardez Michaël Youn, qu’on dit si audacieux. Il s’affiche avec des belles gonzesses dans Voici, a la petite veste et le chapeau tendance dans les gradins de Roland-Garros… Nous on fait les choses gratuitement, en calculant moins. » Résultat des courses: une prise de risque souvent payante. Et une super image de marque, en plein dans la décontraction. Charlie Dupont en est bien conscient: « Il y a 4-5 ans, c’était très tendance, un peu chic underground branché parisien de dire J’adooore les Belges , ou J’ai même un ami belge . Le genre de phrases qu’on utilisait dans les années 80 pour les Blacks et dans les 90’s pour les homos. Aujourd’hui, le Belge est en train de devenir carrément un produit de grande consommation. Il faut avoir son Belge. Un directeur de casting m’a confié récemment Maintenant, si dans un projet, il n’y a pas un Belge, on dit que ça porte malheur ! »

François L’Embrouille: le best ouf, du lundi au vendredi à 20 h 30 sur Plug RTLSeconde chance, du lundi au vendredià 17 h 05 sur RTL TVI, à 17 h 40 sur TF1.

Texte Myriam Leroy

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