Les Dévastés

Ils sont trois, entassés en une geôle crasseuse, retenus puis battus là suite à une arrestation nocturne, sous prétexte d’avoir supposément cédé à des désirs bourgeois, ou contribué à maintenir debout le régime bulgare d’avant le coup d’État de 1944, piloté par l’URSS. Un écrivain, un prêtre, un petit entrepreneur. Face à eux, ils sont trois aussi, sans compter les innombrables et autoproclamés petits commissaires du peuple, ratés et galériens bien décidés à régler leurs comptes: constitutifs d’un  » trio de choc » de miliciens en charge des incarcérations et exécutions sommaires, le criminel Vassa et Anguel, fils de cordonnier, sont flanqués de Yordann, dont on apprendra bientôt qu’il est lié à l’un des prisonniers. En février 1945, elles sont trois encore, devant la fosse commune contenant, parmi 147 cadavres recouverts à la va-vite, ceux des trois hommes qu’elles aimaient -les infortunés compagnons de cellule. En mêlant les voix de ces femmes, propulsées veuves par un revers de l’Histoire mal résumé sous le terme de « purge », puis celle,  » vingt ans plus tard« , de la petite-fille de l’un de ces condamnés de l’arbitraire, Théodora Dimova dresse un tableau glaçant d’un pan de la chronologie bulgare au sujet duquel la parole n’a pu se libérer qu’après la chute du Mur de Berlin. En choisissant d’aborder le drame par le biais de l’intime, elle livre ici un roman d’une plombante puissance, qui raconte une noirceur universelle -quelques rais de lumière aussi-, le cauchemar d’un peuple, grimés en individuelles tragédies.

De Théodora Dimova, éditions des Syrtes, traduit du bulgare par Marie Vrinat, 224 pages.

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