france, années 40 – En cinq films singuliers, un tour d’horizon de la production française des années 40, de la période trouble de l’occupation à l’après-libération.

L’assassin a peur la nuit, de Jean Delannoy, avec Jean Chevrier, Mireille Balin, Louise Carletti. 1942.

Les Mystères de Paris, de Jacques de Baroncelli, avec Marcel Herrand, Alexandre Rignault. 1943.

La vie de Bohème, de Marcel L’Herbier, avec Louis Jourdan, Giselle Pascal, Maria Denis. 1945.

Etoile sans lumière, de Marcel Blistène, avec Edith Piaf, Yves Montand, Serge Reggiani. 1945.

Du Guesclin, de Bernard de Latour, avec Fernand Gravey, Junie Astor, Noël Roquevert. 1949.

Du cinéma français des années 40, la postérité a naturellement retenu les classiques que tournèrent alors les Carné, Clouzot ou encore Grémillon, de même que les premiers films d’un Robert Bresson ou d’un Jacques Becker, parmi d’autres £uvres-phares. Un large pan de la production reste cependant peu connu, qu’il s’agisse de films réalisés sous l’occupation – encore que Bertrand Tavernier ait levé un coin du voile dans Laissez-passer – ou de ceux sortis dans l’immédiat après-guerre. Cette sélection de Classiques français du catalogue SNC vient donc à point nommé pour en offrir un aperçu significatif.

POLARS ET COSTUMES

Avec 220 films tournés de février 1941 à mars 1944, la période de l’occupation fut loin d’être un désert cinématographique en France. Réalisés en zone libre, dans les studios de la Victorine à Nice, trois des films proposés ici sont représentatifs d’une production fort logiquement tournée vers l’évasion. L’assassin a peur la nuit, de Jean Delannoy, traduit ainsi l’engouement dont bénéficia le polar (dont les nombreuses adaptations de Simenon sont un autre exemple). Et propose une trame classique autour du destin d’un jeune cambrioleur retiré des affaires dans le Midi, avant d’être ramené vers Paris à l’appel de son ancienne maîtresse. La suite sera mélodramatique à souhait, pour un film cumulant les genres dans une ambiance du plus bel effet à défaut de grande originalité.

Ressort sensiblement différent pour Les Mystères de Paris, de Jacques de Baroncelli, d’après d’Eugene Sue – l’une des innombrables adaptations littéraires en costumes qui fleurirent alors. Forcément daté, tant par sa patine que par sa trame, le film traverse cependant le temps par la grâce d’une distribution exceptionnelle. Quant à La Vie de Bohême, de Marcel L’Herbier, elle marie avec faste les mondes de l’écrivain Henri Murger et du compositeur Puccini, en une £uvre qui apparaît comme l’archétype du cinéma d’évasion de l’époque, entre les fantaisies des amis artistes, autoproclamés mousquetaires de la Bohême, et leurs aventures dans des décors somptueux. Plus dure sera la chute: au-delà d’un final à l’ampleur mélodramatique exacerbée, le film, tourné en 1942, sera gelé jusqu’à la fin de la guerre. Moment où cette coproduction franco-italienne sera boudée par le public, porté alors vers les bandes américaines dont il avait été sevré.

La libération, c’est encore l’époque où Marcel Blistène tourne Etoile sans lumière, une curiosité à plus d’un titre. Parce que son scénario préfigure celui de Singin’ in the Rain, notamment. Et que, dans le rôle de la doublure chantante de Stella Dora, vedette du muet mise à mal par l’avènement du parlant, on trouve Edith Piaf, troublante face à un Yves Montand dont ce sont les débuts à l’écran. Dernier film de la série, ponctuant la décennie celui-ci, Du Guesclin est l’évocation convenue d’une figure de la guerre de Cent ans. On notera, pour la petite histoire, que le film réunit pour la première fois, dans de petits rôles, la paire Oury-de Funès, bien avant que le premier ne devienne réalisateur de nombreux succès du second.

Notes de production et suppléments éclairés – le cinéma sous l’occupation, les seconds rôles français, Piaf par Lelouch,… – accompagnent chacun des titres. L’immersion dans l’époque est donc complète. Et passionnante.

JEAN-FRANçOIS PLUIJGERS

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