Les choses de la vie

© c.t. robert

Saba revient avec un troisième album rap éclairé à la soul. Un récit familial tout en clair-obscur, célébrant les victoires engrangées

Sorti cette semaine sur la plateforme Netflix ( lire par ailleurs), le documentaire sur Kanye West le rappelle bien: pendant longtemps, Chicago n’a occupé qu’une place secondaire sur la cartographie rap américaine, dominée par New York et Los Angeles. Depuis, la situation a toutefois nettement évolué. L’abattage de Ye y a forcément contribué. Celui de Chief Keef aussi, en lançant depuis Chi-City la vague drill, qui reste encore et toujours l’un des sous-genres les plus influents de la pop actuelle. Mais ce n’est pas tout. À côté de ces deux exemples spectaculaires s’est aussi animée une scène indépendante, plus discrète mais pas moins intéressante. Dans la foulée du succès d’un Chance The Rapper ou d’un Mick Jenkins, toute une série de rappeurs ont ainsi développé une couleur musicale nuancée, avec des textes à la fois poétiques et engagés. Membre du collectif Pivot Gang, Saba est de ceux-là. Né Tahj Malik Chandler (en 1994), il sort aujourd’hui un troisième album qui approfondit cette vision. Celle d’un rap qui chercherait moins à frimer qu’à dévoiler pudiquement ses sentiments les plus intimes. En 2018, l’album Care for Me revenait notamment sur la mort de Walter Long Jr., cousin de Saba, et membre du Pivot Gang, poignardé en pleine rue.

Les choses de la vie

Quatre ans plus tard, Few Good Things n’a pas oublié. Mais tente d’avancer. Par la force des choses, Saba n’est plus à la même place. Littéralement -il passe désormais son temps entre Chicago et Los Angeles. La musique lui a aussi amené une certaine sécurité. Une stabilité qu’il entend célébrer sans rien oublier de ce qu’il laisse derrière. Le succès ne résout de toutes façons pas tout. Comment par exemple jouir de la réussite quand certains ne sont plus là pour en profiter? C’est l’idée de l’explicite Survivor’s Guilt, sur lequel Saba se demande notamment:  » Is a peace of mind worth leaving everything you knew behind? » C’est sans doute le morceau le plus tendu de Few Good Things. Ailleurs, Saba a imaginé un rap plus posé, cherchant en permanence l’équilibre entre douceur et amertume. Plus très loin par moments de la (neo)soul, le rappeur déploie son histoire familiale, détaille ses états d’âme. Sur Soldier, il lui suffit d’une phrase pour résumer ce qui le remue – » I’m dying from asphyxiation from the weight of the world/While in the waiting room, waitin’ for the birth of my girl« . Juste avant, Still (et son beat à la J Dilla) et A Simpler Time sont deux exemples parfaits de musique débarrassée de toute feinte, petites merveilles de rap soulful, touchant comme peut l’être un Kendrick Lamar, le côté « messianique » en moins.

En toute fin, sur le morceau-titre, accompagné de Black Thought (The Roots), Saba explique encore:  » I tried to spend a little less, like a minimalist/But then I can confess that this gets harder the bigger you get » . Avec Few Good Things, il confirme pourtant une démarche remplie d’humilité. Et, pour le coup, régulièrement touchée par la grâce.

Saba

« Few Good Things »

Distribué par Pivot Gang. Le 22/09 au Botanique, Bruxelles.

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