Philippe Elhem
Philippe Elhem Journaliste jazz

L’INTÉGRALE DES ENREGISTREMENTS DE MILES POUR PRESTIGE, PARUE EN 1987, EST RÉÉDITÉE DANS UN ÉLÉGANT COFFRET MINIMALISTE.

Miles Davis

« Chronicle-The Complete Prestige Recordings-1951-1956 »

CONCORD MUSIC 42309-8 CD (UNIVERSAL)

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Né dans une famille de la bourgeoisie noire, Miles ne va réellement s’intéresser au jazz qu’à son 13e anniversaire, lorsque son père lui offre une trompette. L’adolescent, qui commencera à se produire en public dans sa ville de Saint Louis dès ses quinze ans, se retrouve, un soir de 1942, à l’occasion d’une jam, sur la même scène que Dizzy Gillespie et Charlie Parker. Son destin est désormais tout tracé: il ira les rejoindre à New York avec, comme prétexte, la Julliard School of Music où il apprendra le piano sur les conseils du trompettiste -lequel lui fera comprendre plus tard, Miles lui confiant qu’il désespère de pouvoir jouer « aussi haut que lui », que son registre d’expression se trouve dans le médium et pas ailleurs. Sideman de Parker dès mai 1945, il continuera à jouer et enregistrer avec Bird jusqu’en 1951. Il s’illustrera également en devenant, entre 1948 et 1950, l’instigateur des sessions expérimentales où se mélangent musiciens blancs et noirs (Lee Konitz, Gerry Mulligan, J.J. Johnson, John Lewis, Max Roach ou l’orchestrateur Gil Evans entre autres), sessions qui seront baptisées, lors de leur réédition en LP, du nom de Birth Of The Cool. C’est en 1951 que le trompettiste signe un premier contrat longue durée avec Prestige, label tout juste créé par un disquaire nommé Bob Weinstock. A partir de ce moment, à deux exceptions près, Miles n’enregistrera plus qu’en tant que leader. Si ses formations varient en taille, en inspiration et en personnel, elles voient les plus prestigieux musiciens du moment comme ceux encore en devenir (Parker sous le pseudo de Charlie Chan, Charlie Mingus, Thelonious Monk, Max Roach, Art Blakey, Sonny Rollins, Elvin Jones, etc.) défiler dans le studio de Rudy Van Gelder pour des séances qui, au fil du temps, vont déboucher sur ses premiers chefs-d’oeuvre absolus, toutefois enfantés de la façon la plus paradoxale qui soit.

En effet, Miles va enregistrer le meilleur de sa production pour Prestige alors qu’il a déjà les deux pieds chez Columbia. Mais devant encore un certain nombre d’enregistrements à son ancien label, le trompettiste, en trois sessions marathons tenues en novembre 55, mai et octobre 56 avec un combo qui deviendra le légendaire « The First Great Quintet », va tout simplement sublimer la scène hard bop naissante. Les cinq LP nés à cette occasion (Miles, Relaxin’, Workin’, Steamin’ et Cookin’ ) contiendrontun matériel que le trompettiste continuera en grande partie (The Theme, It Could Happen To You, When I Fall In Love, If I Were A Bell, Four,‘Round About Midnight, My Funny Valentine) à jouer jusqu’à la fin des années 60. Surtout, l’originalité de cette formation et ce qui la différencie de ses contemporains, va résider essentiellement dans l’opposition stylistique de ses deux solistes avec, d’un côté, un Miles de glace déjà indéfinissable et, de l’autre, un Coltrane de feu déjà intarissable. Supportés par une rythmique formée du pianiste Red Garland, du bassiste Paul Chambers et du batteur Philly Joe Jones, Miles et Trane vont inventer intuitivement une forme de jazz si marquante qu’elle continue aujourd’hui encore à symboliser LE jazz dans l’inconscient collectif des amateurs de cette musique comme dans celui du grand public.

PHILIPPE ELHEM

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