Myriam Leroy
Myriam Leroy Journaliste, chroniqueuse, écrivain

20.15 LA UNE

UN FILM DE PHILIPPE DUTILLEUL ET ISABELLE CHRISTIAENS.

« Q uand je suis arrivé à la RTBF, le directeur de l’information de l’époque refusait qu’on parle sans son autorisation de quatre sujets, se souvient Jean-Pierre Jacqmin, actuel chef info. Le Roi, le Zaïre, la monnaie, et Degrelle. » Autres temps, autres m£urs, mais le personnage de Léon Degrelle, fondateur du mouvement fasciste Rex, reste très délicat à aborder en Belgique. « Je crois que le premier tabou relatif à lui est son impunité », avance l’historien français Korentin Falc’hun, qui travaille depuis sept ans sur le sujet, dans le cadre d’une thèse à Sciences Po. Le « Fürher des Wallons » – comme on l’appelle parfois – a bien été condamné à mort par contumace à la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais il n’a jamais purgé sa peine. La Belgique n’ayant jamais obtenu son extradition, l’ancien collabo a terminé ses jours en Espagne, confortablement.

DEVOIR DE MéMOIRE

Philippe Dutilleul exhume la figure de Degrelle dans un film d’une centaine de minutes tout à fait exceptionnel. De par le caractère sensible de son sujet (la personnalité de celui qui se prenait pour le fils spirituel d’Hitler), l’approche inédite (sa vie espagnole n’a jamais connu de coup de projecteur), et son traitement. Avec l’historien Korentin Falc’hun et la réalisatrice Isabelle Christiaens, l’instigateur du déjà très controversé Bye Bye Belgium a décidé de construire un documentaire sans commentaires, sans analyses, dans la lignée des sujets de Strip-Tease et Tout ça,… Il aligne des extraits de films de propagande et de bandes vidéo privées, dans lesquelles Léon Degrelle se raconte, parfois délirant, toujours gueulard. Il donne la parole à ses proches. A ses filles (dont l’une, sur les marches de la Bourse de Bruxelles, se souvient d’un défilé triomphal de son père dans la ville avec émotion: « Il était grandiose »), aux anciens de la Légion Wallonie, la SS wallonne… Des témoins extrêmement difficiles à convaincre de s’exprimer. « C’est souvent le cas quand on fait un film dans le camp des vaincus », explique Dutilleul. L’accès aux documents et archives concernant l’ Obersturmbannführer a également été malaisé, particulièrement en Belgique. « Or, tout pays qui veut faire son devoir de mémoire doit ouvrir ses archives », estime Korentin Falc’hun, qui est considéré comme le plus grand spécialiste actuel de Degrelle. « Avec ce film, nous ne voulons pas juste faire un travail de mémoire, mais aussi de connaissance », explique Jean-Pierre Jacqmin. La diffusion de Léon Degrelle ou la Führer de vivre sera donc suivie d’un débat animé par Nathalie Maleux, précédée par une série d’émissions en radio, et accompagnée d’un dossier à lire sur www.rtbf.be

Myriam Leroy

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