BILL NIGHY REMONTE LE FIL DU TEMPS DANS ABOUT TIME, LA NOUVELLE COMÉDIE ROMANTIQUE D’UN RICHARD CURTIS QUI L’AVAIT RÉVÉLÉ SUR LE TARD, IL Y A DIX ANS, EN ROCKEUR CRAMÉ SUR LE RETOUR DANS LOVE ACTUALLY. PORTRAIT D’UN DANDY LETTRÉ.

Silhouette à l’épaisseur inversement proportionnelle à la classe dégagée, Bill Nighy nous tend une main dont deux doigts sont recroquevillés sur leur paume. « Ne vous méprenez pas: ces deux-là ne fonctionnent tout simplement pas (Nighy souffre de la maladie de Dupuytren, qui provoque la rétraction des tissus sous-cutanés de la main, ndlr), je ne suis pas membre d’une obscure société secrète…« , lâche-t-il avec flegme, un léger sourire en coin. Le genre de préambule qui pose un personnage, élégant et british au possible, jusque dans ses traits d’humour résolument pince-sans-rire.

Chanteur cash et franc du collier sur le retour (Still Crazy, Love Actually), vampire aux dents longues (Underworld), capitaine d’une radio pirate où souffle un doux vent d’anarchie (The Boat That Rocked), super-vilain à tête de mollusque (les épisodes 2 et 3 de la franchise Pirates of the Caribbean)… Depuis une bonne quinzaine d’années, Bill Nighy multiplie les apparitions marquantes au cinéma dans des rôles hauts en couleur, donnant à voir une image singulièrement rock’n’roll voire excentrique. A 63 ans, l’acteur anglais joue à nouveau les seconds couteaux emblématiques dans About Time, la nouvelle comédie romantique de Richard Curtis (les scénarios de Four Weddings and a Funeral, Notting Hill, Bridget Jones…), mais dans un registre dramatique qui, comme dans le récent The Best Exotic Marigold Hotel, requérait pour le coup plus de sobriété… « J’étais ravi de ne pas avoir à jouer dans l’excès, d’incarner un type normal, un père qui pourrait tout à fait être le père de tout un chacun. Mon ambition dans About Time, qui quelque part doit être celle de tous les acteurs j’imagine, était simplement de me montrer aussi naturel que possible. »

A livre ouvert

Un type normal, certes, mais qui, en l’occurrence, n’en possède pas moins le pouvoir peu banal de retourner dans le passé pour y revivre des moments plus ou moins signifiants de son existence. Pouvoir qu’il utilise aussi pour lire et relire avec voracité des piles de livres, ceux de Dickens notamment. « C’est exactement ce que je ferais si je maîtrisais le voyage temporel, s’enthousiasme-t-il. Lire est la chose que je préfère. Je suis toujours jaloux quand je rencontre quelqu’un sur le point de se plonger dans un roman que j’ai lu et aimé. Parce que le plaisir de la découverte de cet objet à chérir est passé, et je voudrais pourtant toujours pouvoir y goûter.  »

S’il pouvait remonter le fil du temps, Bill Nighy se déciderait peut-être aussi à devenir enfin écrivain. « Toute ma vie, j’ai traîné un sentiment de culpabilité par rapport au fait de ne pas écrire. J’aurais aimé me lancer, mais j’ai sciemment mis ce désir de côté chaque jour de mon existence. Vous savez, je me suis enfui de l’école quand j’avais 16 ans, et je suis venu à Paris pour y écrire mon grand oeuvre. Je n’ai pas réussi à pondre une seule ligne. J’étais comme paralysé. Mon esprit était rempli de vide. Ou de rêves, peut-être…  »

Pour l’heure, cela dit, le comédien ne se plaint pas, lui qui a connu une reconnaissance internationale tardive, en 2003, grâce à Richard Curtis, déjà, et sa première réalisation, Love Actually. « J’ai toujours été très chanceux en tant qu’acteur. Avant Love Actually, j’ai beaucoup travaillé au théâtre, avec de grands auteurs comme Tom Stoppard, Harold Pinter, David Hare… Puis à la télévision et au cinéma. Mais oui, Love Actually m’a soudain donné la possibilité de jouer des rôles significatifs dans des films américains. Le fait que ce succès soit arrivé tardivement n’est pas tout à fait pour me déplaire. Bon, quand j’étais un jeune acteur désargenté, j’aurais quand même bien voulu savoir que j’allais un jour connaître une certaine reconnaissance (sourire), que quelqu’un vienne me dire (il chuchote): »Te bile pas, ça va aller. » Parce que oui, c’est sûr, la carrière d’acteur est une sacrée source d’anxiété et d’insécurité au début. »

Si british qu’il soit, Nighy multiplie donc aujourd’hui les rôles outre-Atlantique, sa carrière oscillant désormais entre plus modestes productions européennes et blockbusters hollywoodiens. « En termes de jeu, ça revient plus ou moins au même. C’est tout ce qu’il y a autour qui est différent. Prenez Pirates of the Caribbean. Il fait nuit, vous êtes sur une île des Caraïbes, vous vous rendez sur le plateau dans un énorme pick-up le long d’une plage magnifique et sur l’eau vous avez trois galions de 10 millions de dollars encerclés par des bateaux qui font pleuvoir, d’autres qui éclairent et sont surmontés d’un gigantesque ballon de lumière verte… Et vous vous dites: « Houlà, j’ai quand même intérêt à être bon. Ces gens ont l’air sérieux… » »

RENCONTRE Nicolas Clément, À Paris

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