Le Paris (réussi) de Klapisch a des accents de mélancolie qui prennent le cour tandis que ses images rendent justice à une ville une fois de plus redécouverte.

Son film est depuis 24 heures sur les écrans français, et le succès s’annonce. Cédric Klapisch a déjà goûté aux douces et enivrantes saveurs de l’adhésion populaire. Un air de famille, L’Auberge espagnole, avaient largement trouvé le chemin du public. Mais cette fois, c’est un peu différent. Car Paris développe des charmes mélancoliques aux résonances plus intimes, aux couleurs moins faciles à faire miroiter à un spectateur venu sans doute, souvent, pour rire et s’amuser. L’humour est bien présent dans son nouveau film, mais c’est le « spleen de Paris » que nous refait Klapisch, 139 ans après un Baudelaire… qui apparaît d’ailleurs dans une scène surprenante.

 » L’idée du film m’est venue de l’expérience d’un ami qui, très malade dans un hôpital dont il craignait de ne jamais ressortir, regardait par la fenêtre vers la rue et ces gens qui allaient et venaient, qui avaient bien de la chance… » Le réalisateur, ému par cette anecdote, précise que l’ami en question va bien désormais. Il lui doit le personnage de Romain Duris, en attente d’une transplantation cardiaque et à travers le regard duquel nous regardons ces existences suivies par la caméra.

vue plongeante

Pour le choix du lieu parisien où situer l’épicentre de son film, Klapisch (qui avait magnifiquement exploré le quartier Bastille dans Chacun cherche son chat) avait  » besoin d’un cimetière et d’une vue plongeante découvrant largement la ville« . C’est du côté du Père-Lachaise, de la place Martin Nadaud, qu’il a trouvé son bonheur. Mais il nous emmène aussi entre autres au Quartier Latin, à la Sorbonne, un peu dans le XVIe arrondissement.  » Chaque quartier de Paris est connoté, a une image assez forte, et dans mon souci de pluralité, j’ai mélangé des quartiers populaires et bourgeois, des quartiers métissés et d’autres franco-français« , explique le cinéaste qui a discrètement joué, dans la scène finale, de la (belle) métaphore entre la ville et un c£ur.  » N’appelle-t-on pas artères les grandes voies de communication dans la cité? N’y a-t-il pas dans le double flux de ce qui entre et sort de la ville quelque chose de comparable à la circulation sanguine? « , s’interroge celui qui a voulu, dans son film,  » représenter Paris comme un corps« .

Klapisch assume pleinement la tonalité mélancolique de son film, au point de se dire étonné de voir combien les gens rient à ses projections.  » Paris, déclare-t-il, est une ville où l’on rigole beaucoup, où la joie de vivre est grande, mais combien de drames se déroulent-ils sous cette surface festive? Pour moi, comédie et tragédie sont intimement proches. C’est pourquoi j’aime tant le cinéma italien des années 1960, qui allait simultanément très loin dans le drame et dans le comique. »

PARIS DANS LE REGARD DES AUTRES

Avant d’y retourner, après sa très brève visite bruxelloise, Cédric Klapisch a fait pour nous la liste de ses films préférés tournés à Paris et donnant de la ville une image particulière:  » Mes portraits favoris de Paris au cinéma sont – pour les films anciens – dans L’Argent de Marcel Lherbier, Sous les toits de Paris de René Clair, La Chienne de Renoir, Hôtel du Nord de Carné, dont le réalisme poétique, même composé en studio, nous dit quelque chose du vieux Paris. Pour la Nouvelle Vague, il y eut bien sûr les films de Truffaut, de Godard. J’adore le Paris que filme Melville dans Bob le flambeur , celui que parcourt Jean Eustache. Sans oublier, plus récemment, Léos Carax, qui restitue lui aussi dans ses films la poésie d’un certain Paris… »

TEXTE LOUIS DANVERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content