Le roman impossible

DE THIERRY HESSE, ÉDITIONS DE L’OLIVIER, 336 PAGES.

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La vocation d’écrivain de Samuel Richard est mise à mal. Écrire quoi? Quel livre? La mort de Malik Oussekine, dont il voulait faire un roman, le plonge à présent dans la peur, embrasée par les tragédies d’aujourd’hui. Le visage amoché, enflammé, granuleux, parviendra-t-il à écrire le livre qui l’obsède depuis des années, un roman total? « Puis un homme me fit une offre que j’étais loin, très loin même d’imaginer, et qui allait bouleverser mon roman, mon travail, ma vie. »Le roman impossible ou l’art de la déconfiture. Pour rendre compte de l’état « anormal » que provoque l’écriture, Thierry Hesse dévisage le roman, comme rongé de l’intérieur. S’y confondent tous les plans (esthétique, éthique, philosophique, sentimental, politique), toutes les histoires. Appelé à la rescousse par un dentiste paranoïaque pour redorer le blason de son aïeul Henri d’Orléans, duc d’Aumale, le héros revêt le voile du ghost writer. Mais déjà il se passionne pour des femmes iraniennes, algériennes, de confession musulmane, dont Sakineh Maohammadi Ashtiani, jugée pour adultère. Que viennent faire dans cette galère les écoutes de l’affaire Woerth- Bettencourt, Bernard-Henri et Ségolène, Lacan et les chouquettes? Pour le savoir, il faut fuguer entre les îlots de livres qui affleurent, dédale de piano désaccordé. Convoquant les esprits de Kundera, Modiano, Roth ou encore Jonathan Franzen, l’écrivain gratte les strates d’inconfort qui gangrènent le processus créatif. Borderline, souvent captivant (dans ses changements de braquet jusque dans ses notes de bas de page), un peu casse-gueule, aussi, Le Roman impossible renvoie le lecteur averti vers une question de société: « Vous cherchez quoi? » Le refoulé qui ressurgit dans la vie d’un homme? Un vénéneux vertige d’inconfort? « Vous pouvez vous rhabiller, j’en ai assez vu. »

F.DE.

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