25 ans après la sortie du SOS Ethiopie Do They Know It’s Christmas?, le rock n’en finit pas de brandir ses bonnes résolutions. A l’entrée 2010, cela mérite bien une rétrospective des plus beaux décibels en état de générosité affirmée.

Source de conflit électrique entre générations – on est toujours le vieux con d’un jeune (con) -, le rock brandit bruyamment depuis un demi-siècle son statut anti-autoritaire. Même si aujourd’hui, la moindre rébellion est épongée par les filtres corporate, Internet n’étant que le plus repérable d’entre eux. A cette image rebelle d’Epinal (…), s’ajoute celle d’un rock qui, de temps à autre, fait saigner son p’tit c£ur sur des guitares charitables. Cela commence spectaculairement à l’été 1971 avec les concerts new-yorkais mis sur pied par un ex-Beatles pour un coin d’Asie dévasté. Quatre décennies plus tard, les veines de la générosité se gonflent encore de leur propre importance. S’il est parfois difficile de distinguer le coup de c£ur du coup de pub, c’est qu’en matière rock, l’un n’exclue pas forcément l’autre.

Harrison s’occupe du Bangladesh

1971

C’est par son ami Ravi Shankar (père de Norah Jones) que George Harrison découvre l’étendue du désastre du Bangladesh survenu à l’automne 1970. Entraînés dans une guerre civile brutale avec l’état central pro-pakistanais, les Bengalis subissent aussi les foudres naturelles des cyclones et des inondations: entre 800 000 et 3 millions de morts, 10 millions de réfugiés partis en Inde. Le 1er août 1971, Harrison et Shankar organisent deux concerts majeurs au Madison Square Garden new-yorkais, entourés d’amis précieux tels que Bob Dylan – sorti de sa retraite – et Eric Clapton, présent malgré sa forte addiction à l’héroïne. Ringo Starr est sur scène mais McCartney a décliné. Lennon qui s’engueule avec Yoko Ono – pas invitée à l’événement – fait faux bond en dernière minute. L’impact du triple LP et du film The Concert For Bangladesh tirés de l’expérience est fondateur du charity rock…

Bob Dylan défend le taulard Hurricane

1975

Au milieu des seventies, Dylan, qui a pourtant pris ses distances avec son étiquette de prince du protest-song, rencontre dans un centre de détention du New Jersey, Rubin Hurricane Carter: cet ex-champion noir des poids moyens, est condamné à la prison à vie pour un triple meurtre commis en 1966, crimes qu’il a toujours niés. L’instruction bâclée et les attentes du jugement, fortement teintées de racisme, amènent Dylan à composer, avec le musicien et psychologue Jacques Levy, Hurricane, 8 minutes et 33 secondes épiques et libertaires. La chanson, critiquée pour son parti pris, sera l’un des plus grands succès seventies de Dylan: Hurricane, lui, ne sera libéré qu’en 1989, après deux autres procès…

Bob Geldof lance Band Aid

1984

Le 23 octobre 1984, Geldof voit un reportage de la BBC consacré à la famine en Ethiopie. Traumatisé par la violence et le désespoir des images, il compose avec Midge Ure ce qui va devenir Do They Know It’s Christmas? Fin novembre, avec un gratin de stars d’époque (Boy George, George Michael, U2, Paul Weller, Sting, Spandau Ballet, Duran Duran, etc.), la version de la chanson est mise en boîte: elle se vend à un million d’exemplaires la première semaine d’exploitation. Trois millions et demi de copies sont finalement écoulées en Grande-Bretagne uniquement, inspirant deux remakes ultérieurs ainsi que le We Are The World américain – sorti en mars 1985 – et bien sûr le show Live Aid simultanément tenu à Wembley et Philadelphie le 13 juillet 1985, vu en mondovision par 400 millions de personnes…

Roger Daltrey et le Teenage Cancer Trust

2000

Créé en 1997, ce fonds anglais supporte financièrement la création de centres de soins spécialisés dans le traitement du cancer des ados et jeunes adultes. Le tout dans un pays pas vraiment réputé pour la qualité de ses soins publics. Depuis 2000, l’initiative a pris une dimension plus rock et plus large sous l’impulsion du chanteur des Who, Roger Daltrey, essentiel dans l’organisation annuelle de spectacles au prestigieux Royal Albert Hall londonien. On y a déjà vu les Who, Oasis, Kasabian, Muse, Antony & The Johnsons, Jimmy Page/Robert Plant, Clapton, etc. Plus des célébrités stand-up à la Ricky Gervais. Le show spécial, hors série, de Depeche Mode, le 17 février 2010 a été sold-out en 4 minutes… www.teenagecancertrust.org

Coldplay offre 10 % de ses gains

2009

La dernière manifestation publique de la générosité de Coldplay (…), qui supporte Amnesty International, Make Trade Fair ou Oxfam, est de mettre en vente la première guitare de Chris Martin et d’autres objets du groupe: sur eBay, jusqu’à ce 31 décembre, au profit de Kids Company, organisation d’aide aux enfants et ados vulnérables. Plus remarquable, depuis le début de sa juteuse carrière – 50 millions d’albums vendus -, le quatuor offre 10 % de ses bénéfices à la charité: de là à faire des émules… A l’été 2009, Arctic Monkeys met en vente exclusive dans les 700 boutiques Oxfam son nouveau single Crying Lightning qui permet à des gagnants de décrocher des passes backstage pour les prestigieux festivals anglais de Leeds et Reading… C’est la première fois qu’Oxfam vend un disque (neuf) depuis 1984 et Do They Know It’s Christmas?

Texte Philippe Cornet

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