Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

ZONES SENSIBLES – LES DOCUMENTAIRES DE LA CINÉASTE BELGE ANNE LÉVY-MORELLE CAPTENT À LA FOIS LE RÉEL ET LE MYTHE. UN BEAU COFFRET REVIENT SUR SON OUVRE SINGULIÈRE AUTANT QU’ATTACHANTE.

1997. 1 H 24. DIST: TWIN PICS. (1) / 2001. 1 H 27. DIST: TWIN PICS.(2) / -2008. 1 H 27. DIST: TWIN PICS. (3)

Le succès critique et surtout public du Rêve de Gabriel reste, une quinzaine d’années plus tard, une des plus belles surprises du cinéma belge francophone. Les spectateurs sont allés, par dizaines de milliers, voir le remarquable documentaire d’une réalisatrice de 36 ans, auteur déjà de plusieurs films après avoir été l’assistante des frères Dardenne et tout en contribuant régulièrement à l’émission Strip-tease. Anne Lévy-Morelle y incarnait, de fascinante manière, son idée des « épopées authentiques ». Ces dernières étant des films  » qui obéissent à la loi des conteurs sans trahir celle des historiens« . Il y est question d’événements réels, sans recours à des acteurs. Du documentaire, donc,  » mais il ne s’agit pas tellement d’informer le spectateur » qui s’y voit plutôt proposer de se laisser  » emporter sur la vague du récit« .  » Bref, c’est du cinéma!« , conclut un des textes du manifeste publié sur la page d’un réseau social où sont présentes les dites épopées.

Leur Amérique à eux

Et du cinéma, Le Rêve de Gabriel en est bien. Du bon, du beau, du grand cinéma chevillé au réel et faisant ressentir le souffle épique dont ce réel a pu et peut être porteur. Le film évoque le départ de 4 familles belges, nombreuses et fortunées, qui vendirent tous leurs biens pour s’en aller refaire leur vie en Patagonie. Le Gabriel du titre est le chef de clan habité par ce rêve d’ailleurs, et dont la force de conviction a entraîné l’adhésion des autres pour entreprendre le voyage vers l’Amérique du Sud. Anne Lévy-Morelle allie entretiens, images d’archives et plans originaux tournés dans les lieux majeurs de ce qu’elle présente, dans l’introduction bonus, comme la « matrice » des épopées authentiques en tant que genre. Le résultat, passionnant, resta plus d’un an à l’affiche, un bouche à oreille enthousiaste amenant un nombre respectable de spectateurs à découvrir ce récit prenant d’une utopie devenue réalité. Sorti 4 ans plus tard, en 2001, Sur la pointe du c£ur prend pour cadre un grand hôpital du centre de Bruxelles, où Lévy-Morelle observe une activité où la maladie, la mort, sont logiquement présentes, mais où naît aussi la vie quand des bébés y respirent leur première bouffée d’air. La cinéaste passe des larges étendues patagoniennes aux espaces réduits des couloirs et des chambres, mais par-delà les questions d’échelle, c’est une même réflexion sur l’humain qui se poursuit sans aucun voyeurisme, à l’écoute de témoins dont les confidences illustrent modestement la capacité de l’être à donner du sens à sa vie, à son rapport aux autres.

Dernier film de la trilogie rassemblée pour le coffret DVD, Manneken Pis, l’enfant qui pleut nous fait redécouvrir un Bruxelles éminemment contradictoire tant s’y côtoient  » le passé et le présent, le plus raffiné et le plus brut, la dentelle et les merdes de chien« . Alimenté de nombreux témoignages, le film offre un parcours tantôt drôle, tantôt émouvant, où l’Histoire nourrit le présent, et qui abandonne parfois le documentaire pour mettre en scène le réel avec une fantaisie lui faisant par exemple lancer un beau clin d’£il au Jacques Demy des Parapluies de Cherbourg.

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