LA LITTÉRATURE NOIRE ET POLICIÈRE N’EST PLUS UNE SOUS-CULTURE, MAIS UNE CULTURE DE MASSE: UN LIVRE VENDU SUR 4 EST UN POLAR. UN ÂGE D’OR QUI NOURRIT PLUS QUE JAMAIS LE CINÉ, LA TÉLÉ ET LA BANDE DESSINÉE.

Un samedi comme les autres, dans un médiastore liégeois. Un coup d’£il au rayon librairie suffit pour s’en convaincre: sur les têtes de gondoles, il n’y en a que pour Harlan Coben, Dennis Lehane, Maxime Chattam, Michael Connelly, Patricia Cornwell, Fred Vargas… Dans toutes les collections, dans tous les formats, le thriller est présent, avec le nom de leur auteur explicitement mis en avant. Peu importe le genre et le nom qu’on lui donne (thriller, polar, roman policier), ceux que les éditeurs ont longtemps classés dans le noir, en opposition à la littérature blanche et ses couvertures minimalistes, atteignent aujourd’hui tous les sommets. Alors que Simenon est entré dans la Pléiade, une enquête menée tous les 10 ans par le Ministère de la culture en France confirmait en juillet dernier les chiffres des éditeurs: un livre sur 4 vendu en libraire tient désormais de la littérature policière. Et le genre est le plus fréquemment lu. Mais ce succès littéraire déborde désormais largement de son lit: lorsque le coup d’£il se poursuit dans les autres rayons du magasin, dans les DVD, les séries télé, les BD, on y trouve les mêmes noms. Stieg Larsson, Dennis Lehane, Dan Brown… Leurs histoires alimentent désormais tous les autres médias, avec le même succès.  » La poussée du genre policier est devenue une tendance lourde, finit de confirmer Mimoun Taïbi, directeur de la dite grande surface. Depuis 4 ou 5 ans, nous devons leur accorder de plus en plus de place, et le genre se répand. Les polars en BD connaissent des croissances de ventes régulières, à 2 chiffres. En littérature, en BD, il n’y a plus un éditeur qui ne possède pas sa collection polar.  »

 » Le roman policier a pris la place que tenait le roman du XIXe siècle, des Balzac, des Zola, analyse Patrick Raynal, auteur et pilier de la Série Noire. Le polar est une évolution de ce roman, dans un monde de plus en plus noir. Il colle à la vie, à une époque, à sa violence.  » Cette capacité à se vouloir le reflet du monde contemporain, mêlée à l’infinie diversité du genre, a forgé son expansion: toutes les couches sociales raffolent désormais de romans policiers, et les femmes, grandes consommatrices, représentent 70 % de son lectorat. Mais c’est bien sur le terrain des adaptations que le genre, cinématographique par essence à force de mettre en scène crimes et violence, est en train de vivre son âge d’or. Au cinéma, rien de vraiment neuf: en 1902 déjà, Méliès adaptait Jules Verne. Mais ce sont aujourd’hui les Grangé, Lehane, Ellroy, Grisham, Coben qui, sur leurs seuls noms, assurent le financement, les têtes d’affiche. Les séries télé, elles, ont pris le relais des romans de gare et des policiers vendus au mètre d’il y a un demi-siècle: flics récurrents, enquêtes sans cesse renouvelées, mécaniques précises et huilées… Le hold-up à la littérature est permanent, heureux ou pas. La bande dessinée, elle, a retrouvé dans cette niche un second souffle et une nouvelle source inépuisable de scénarios. Mariage logique de 2 sous-genres qui ont vécu en même temps essor et légitimation. l

TEXTE OLIVIER VAN VAERENBERGH

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