AVEC IT FOLLOWS, FILM D’HORREUR DISCRÈTEMENT VIRTUOSE JOUANT DE LA FRONTIÈRE ENTRE VISIBLE ET INVISIBLE, DAVID ROBERT MITCHELL CONFIRME QU’IL EST L’UN DES GRANDS ESPOIRS DU CINÉMA INDÉ AMÉRICAIN DE DEMAIN.

« J’aime tous les genres de films, mais j’ai toujours été très sensible au cinéma horrifique. Avec It Follows,je voulais rendre hommage à tous ces grands classiques de l’épouvante que j’ai vus et revus: le Cat People de Tourneur, bien sûr, les films de monstres de la Universal comme Creature from the Black Lagoon,le cinéma de Carpenter, celui de Cronenberg… Ce sont des références vers lesquelles je reviens souvent et, sans forcément chercher la citation à tout prix, je savais qu’elles percoleraient d’une manière ou d’une autre dans mon film. »

En 2010, David Robert Mitchell débarque de nulle part avec une première oeuvre chorale débordant de charme et de douceur, The Myth of the American Sleepover. Soit la chronique, drôle et sensible à la fois, d’un été finissant où une poignée de soirées pyjamas cristallisent les émois amoureux, et la montée de sève, de la jeunesse gauche et hésitante de Détroit. Un film sur la circulation du désir, et la difficulté qu’il a à se fixer, explorant en profondeur les affres fugitives de l’adolescence. Cinq ans plus tard, It Follows s’inscrit dans la lignée directe de son prédécesseur. La dimension horrifique en plus, donc. « It Follows n’est pas à proprement parler une suite de The Myth of the American Sleepover,mais les deux films possèdent d’évidentes similitudes, reconnaissait le jeune cinéaste américain en septembre dernier au festival de Deauville. L’idée, c’était de prendre le même type de personnages -c’est-à-dire très proches d’un certain naturalisme sans pour autant en relever pleinement- que dans mon premier film mais en un poil plus vieux, puis de les placer à l’intérieur d’un cauchemar et voir comment ils peuvent réagir. Le scénario découle directement d’un mauvais rêve récurrent que je faisais quand j’étais enfant, et dans lequel j’étais suivi. Je voyais quelqu’un s’avancer au loin, mais nul autre que moi dans le rêve ne pouvait le voir. Instinctivement, je savais qu’il s’agissait d’une espèce de monstre cherchant à me tuer, même si cette personne semblait tout à fait normale. Il était relativement facile de lui échapper, il suffisait par exemple de traverser la rue ou de sortir de la maison, mais c’est le fait que cette menace soit présente en permanence qui était vraiment perturbant. Quoi que je fasse afin de m’en éloigner au maximum, « ça » finissait toujours, lentement mais sûrement, par me rattraper.  »

Contagion

Simple et limpide en apparence, la trame de ce deuxième long métrage n’en est pas moins aussi passablement tordue -voire délicieusement immorale- puisque c’est une espèce de virus sexuellement transmissible qui y confronte une poignée de teenagers à ces visions d’horreur auxquelles ils semblent ne pouvoir échapper. S’il y a là un clin d’oeil évident à cette règle universelle voulant qu’il faut éviter de coucher pour survivre dans un film d’horreur, il est aussi tentant d’y voir une métaphore à peine voilée du spectre du sida. « Ça pourrait l’être, oui. Pour moi, en fait, ça peut être beaucoup de choses. Durant l’écriture, j’avais toute une série de thèmes et de symboles à l’esprit. Mais je pense qu’il est préférable de laisser le film ouvert aux multiples interprétations. » D’autant que si ce mal étrange se contracte en faisant l’amour, il est aussi possible de partiellement s’en affranchir par la même voie… « J’aime l’idée que le sexe représente à la fois un danger mais aussi quelque chose de libérateur, à court terme du moins.  »

Comme dans The Myth of the American Sleepover, les adultes n’apparaissent quasiment jamais à l’écran, laissant leur progéniture peu ou prou livrée à elle-même. « Les parents sont absents dans mes deux films, en effet. Mais pas pour les mêmes raisons. Concernant It Follows, l’idée était d’isoler les ados afin d’intensifier le sentiment de peur. Dans The Myth of the American Sleepover, il s’agissait plutôt de les isoler afin d’intensifier le fun, le sentiment de liberté qu’ils pouvaient ressentir. Mais oui, il y a une espèce de cloison imaginaire qui sépare les jeunes et les adultes dans mes films, un peu comme dans les BD de Snoopy (sourire). »

RENCONTRE Nicolas Clément, À Deauville

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