Le Livre d’image

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Présenté à Cannes en 2018, en l’absence remarquée de son réalisateur, le dernier film de Jean-Luc Godard crépite d’images et de noirs, et opère comme un testament de langage, de cinéma et d’époque. La réalisateur d’ À bout de souffle, Pierrot le Fou, Prénom Carmen et Film Socialisme pose ici un objet réduit, dans sa trame, à l’os. Pour mieux y accrocher les bribes d’un récit à message. « La vraie condition de l’homme, c’est de penser avec ses mains », dit-il en off, citant le penseur suisse de la civilisation occidentale, Denis de Rougemont. C’est presque un Godard artisan qui colle bout à bout des images pleines de bruits, de musique et de citations cinématographiques (populaires ou obscures), dans un tourbillon rimbaldien de dérèglement des sens. Et ce travail aux frontières du radiophonique, de l’autocitation ( Bande à part, notamment) et de la déconstruction (de ses oeuvres comme de classiques), pour arriver à quoi? À une histoire, celle de l’Histoire et de ses mouvements. De ses catastrophes et de ses prétendus cycles. Ce faisant, il met le doigt sur un mal si commun qu’il en devient presque invisible: la guerre. Celle dont nous, Européens, nous sommes mis à l’abri mais que nous nourrissons copieusement. Celle qui secoue les pays arabes, spécifiquement, est probablement la plus emblématique de notre marche vers la mort. Secoué par une palette graphique déroutante et des citations hypnotiques, ce Livre d’image est celui d’une humanité pas sage, un conte du soir pour enfants destinés à le devenir un peu plus.

Film de Jean-Luc Godard. 2018.

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