Le jour où le désert est entré dans la ville

Dans ce premier recueil dont les huit fragments sont liés par une tonalité inquiète prégnante, Guka Han fait la part belle aux intranquilles et aux désancrés. La narratrice de Luoes (anagramme de Séoul, dont l’autrice est originaire) quitte son travail précaire pour partir à la recherche du désert qui envahirait progressivement la ville. Les pauvres hères qu’elle croise (d’un homme qui distribue des enveloppes blanches comme jade dans le métro à un accidenté aussitôt oublié) sont considérés sans ménagement, en voie d’effacement. Celle qui s’adresse au lecteur dans Perles fait monter la tension: que feriez-vous si vous vous réveilliez dans une maison inconnue où la moisissure a déjà fait son oeuvre? À la télévision, les protagonistes suent, dans la rue, les gens sont absents à eux-mêmes, rongés par l’ultra-moderne solitude. Proche d’un réalisme magique à la Yoko Ogawa, Han installe de façon convaincante son propre cabinet de rêves hantés et mélancoliques: on y éteint les incendies possibles en urinant, on s’y isole du vacarme en ne quittant plus ses écouteurs. Face à un monde qui s’effrite, voilà un livre qui trouve sa marge de manoeuvre dans la transfiguration permanente du réel.

De Guka Han, éditions Verdier, 128 pages.

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