L’intégralité du catalogue des Beatles enfin remasterisée! Il a fallu quatre ans pour dépoussiérer et rendre enfin justice à un répertoire éblouissant.

Il était moins une. Alors que l’objet CD se meurt à petit feu, voici que sort enfin l’intégralité du catalogue discographique des Beatles en version remasterisée. Autant dire les Tables de la loi dépoussiérées, remises totalement à neuf. C’est la première fois qu’une telle démarche est menée en 20 ans. Soit depuis la première sortie des albums en format compact disc. En clair, les seuls CD des Beatles disponibles jusqu’ici continuaient à proposer le son tel que gravé en… 1987. Autant dire une éternité. C’était l’époque où la petite galette renvoyait (pour un temps) le vinyle au rayon des supports ringards. Et les maisons de disque d’en profiter pour dégainer leur back catalogue en rafale. Et tant pis si la technologie connaissait alors encore des ratés, ou si la précipitation l’emportait souvent sur la qualité de l’ouvrage…

Ce n’est plus le cas cette fois-ci. Annoncé depuis longtemps, il a fallu 4 ans pour venir à bout du remastering de l’£uvre Beatlesque, titre après titre, tube après tube. Le ravalage était nécessaire, il a été méthodique. Il est bien question des 12 LP sortis entre 1963 et 1970, plus le Magical Mystery Tour et les compilations Past Masters I et II réunies sur un seul CD. Chaque album est reproduit avec son artwork et ses notes d’origine (jusqu’à reprendre par exemple la publicité pour Emitex, le chiffon antistatique vendu par EMI), complété par de nouveaux textes et photos, ainsi qu’un mini-documentaire, disponible sous la forme d’un fichier quicktime. Le tout disponible à l’unité ou dans un coffret. Et en stéréo, ce qui constitue une première pour les 4 LP initiaux: Please Please Me, With The Beatles, A Hard Day’s Night et Beatles For Sale. Chacun ses vices cependant: les maniaques et autres collectionneurs fous pourront toujours se rabattre sur les versions mono, elles aussi rassemblées dans un coffret. Celui-ci rassemble les 10 albums sortis, notamment ou exclusivement, en mono.

Lifting

Une coquetterie supplémentaire qui montre bien la hauteur de l’enjeu. La musique des Beatles est devenue au fil du temps un trésor à célébrer ou à tout le moins conserver. C’est tout l’objet de la démarche actuelle. Précision: il est bien question ici d’une remasterisation. Ce qui n’équivaut pas à un remixage, comme cela avait pu être pratiqué par exemple sur le calamiteux Love (2006), grosse tambouille mise au point à partir des originaux par George Martin pour le spectacle du Cirque du Soleil, ou sur Let it Be Naked, version dépouillée de l’album de 1970. Les ressorties actuelles tiennent davantage du discret lifting respectueux des origines que de la relecture radicale. A la tête de cette entreprise de rénovation, Allan Rouse expliquait récemment dans la presse nord-américaine: « Prenons un vieux tableau à l’huile, exposé dans un musée depuis 300 ans. Quand on remastérise, c’est un peu comme si on nettoyait ce tableau pour en faire ressortir la brillance, la lumière, l’éclat. Mais nous n’ajoutons pas une autre fleur à ce tableau, ce qu’on peut faire quand on remixe. En remixant, on peut modifier la position des instruments ou de la voix. C’est un changement plus extrême. »

Les ingénieurs mobilisés par le projet ont donc fait profil bas, avec la volonté de coller au plus près des enregistrements originaux. Certains nettoyages ont bien été effectués: une chaise qui grince dans le fond de la pièce, un clic qui traîne, un micro qui claque… Mais, assure Rouse, ces corrections ne représentent pas plus de 5 minutes sur les quelque 525 restaurées. Le reste aura consisté en une maniaquerie de tous les instants: des multiples tests pour trouver le système de transfert le mieux adapté, ou dénicher la machine qui produira le meilleur son à partir des bandes analogiques conservées dans les coffres d’Abbey Road. Le résultat de ces manipulations est assez remarquable, voire spectaculaire sur certains morceaux ( I Want You, mais aussi et surtout les plus anciens), y compris pour les oreilles les moins pointues. « Un hommage non seulement aux performances (du groupe), écrit Jon Savage dans le dernier numéro du mensuel Mojo, mais aussi à la qualité d’enregistrement originale mise au point par George Martin et ses ingénieurs, Norman Smith, Geoff Emerick et Chris Thomas, entre autres. »

Ancien et nouveau monde

Justice est donc enfin rendue à un répertoire proprement éblouissant. A piocher au hasard, de With the Beatles à Sgt Pepper en passant par le final Abbey Road, on en attrape toujours le tournis. Aujourd’hui, paradoxalement, c’est peut-être la face la plus rock, ou en tout cas la plus aventureuse du parcours des Fab Four, celle qui débute avec Rubber Soul, qui est la plus souvent mise en avant. Aux dépens des singles adolescents des débuts, qui ont pourtant permis l’hystérie et installé pour longtemps la Beatlemania. Question d’époque…

On est d’ailleurs curieux de voir comment les plus jeunes vont accueillir cette sortie sur un support qui n’est plus le leur. Plus largement, quel est encore l’impact d’un groupe comme les Beatles sur la génération née avec le Net? Faut-il le rappeler: aucune des chansons signées Lennon/Mc Cartney n’est disponible (légalement) sur la Toile, que ce soit via iTunes, ou même simplement en streaming sur un service comme Spotify… Des révolutions, les Beatles en ont pourtant accompagnées, voire accélérées, quelques-unes. Musicales, esthétiques, sociales… Survivront-ils à celle qui se déroule actuellement? Une récente enquête du Pew Research Centre, un centre d’étude américain indépendant, montre que la musique des Beatles a certes participé à faire basculer un monde, mais qu’elle a aussi permis, in fine, à rassembler les générations. Le rock est ainsi devenu la première musique écoutée par les moins de 60 ans. Les différences entre les générations existent évidemment toujours, mais elles ne se transforment plus automatiquement en conflits. « L’une des raisons à cela, se demandent les enquêteurs, pourrait-elle être que, au moment où la tension monte, parents et enfants peuvent toujours se retrouver ensemble et se dé- tendre autour d’un titre des Beatles? » Et de conclure: « Comme les scientifiques aiment à le dire: cela nécessite des études complémentaires.. . »

Intégrale des Beatles, disponible dès le 09/09, chez EMI à l’unité ou en 2 coffrets (stéréo ou mono) autour de 200 euros chacun.

Texte Laurent Hoebrechts

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content