AVEC MA VIE DE COURGETTE, CLAUDE BARRAS SIGNE UN BIJOU D’ANIMATION EN STOP MOTION PORTÉ PAR UN RAPPORT À L’ENFANCE TRANSCENDANT LES ÂGES…

Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, Ma vie de Courgette restera comme l’une des révélations du dernier festival de Cannes, merveille d’animation en stop motion transcendant les âges comme les catégories. Derrière ce petit bijou, Claude Barras, réalisateur suisse ayant aligné une bonne dizaine de courts métrages, dont le multi-primé Le Génie de la boîte de raviolis. Et qui, au moment de tenter l’aventure du long, a jeté son dévolu sur Autobiographie d’une courgette, un roman de Gilles Paris, véritable « coup de foudre ». Récit initiatique, le film raconte l’histoire d’Icare alias Courgette, gamin de dix ans « né du mauvais côté de la vie » qu’un méchant tour du destin va expédier dans un orphelinat où il lui faudra se réinventer une famille. « Je cherche à faire un cinéma d’émotion, explique le cinéaste, dans l’euphorie de la présentation triomphale de son film sur la Croisette. C’est pour cela que j’aime bien les histoires d’enfance. Enfant, on est très sensible: un copain qui nous a fait un sale coup, des fois, on s’en rappelle toute notre vie, cela prend des proportions énormes. L’enfance, pour moi, ressemble aux yeux des personnages du film: ils sont grands parce qu’on plonge tout de suite dans les sentiments et dans l’émotion. Par ailleurs, j’ai envie de faire des films pour enfants parce que, de manière presque engagée, je veux raconter des histoires qui parlent d’aujourd’hui, et de notre monde qui n’est pas toujours facile à vivre pour eux. Et leur donner des clés pour le décoder et pour mieux vivre ensemble. »

Réalité décalée

De fait, ce n’est pas tous les jours qu’un film d’animation, destiné à un public « enfantin » qui plus est, évoque la maltraitance et ses remèdes, tout en inversant le paradigme cinématographique voulant que le foyer soit le lieu où cette dernière s’exerce généralement, par opposition au monde extérieur, le plus souvent synonyme de liberté. Sans surprise, le développement du projet s’est étiré sur sept longues années, consacrées notamment à convaincre les partenaires du bien-fondé du parti pris du réalisateur: « On a beaucoup réfléchi à la cible. Le roman leur étant destiné, on a pensé à un film adulte, mais je tenais absolument à tourner un film pour enfants. Il a donc fallu trouver comment. Une fois que j’ai pu réaliser un petit film pilote et qu’on a commencé à écrire le scénario avec Céline Sciamma, tout est devenu plus facile. On a compris à qui s’adressait le film, pourquoi il était là. Comme il est assez singulier, il y avait une place à prendre, et voilà.« 

S’il n’élude en rien la noirceur de son propos -au rang de ses inspirations, Claude Barras cite Heidi, Bambi ou Rémi sans famille-, Ma vie de Courgette va aussi au-delà. Une question de ton, et d’enjeux, le film brassant une mosaïque de sujets, où il s’agit de se recomposer une famille d’une manière ou d’une autre pour se réconcilier avec le monde. La suite est affaire de choix esthétiques, et la stop motion, combinée à un graphisme minimaliste, installe le film dans un univers éminemment poétique, « réalité décalée » charriant une large gamme d’émotions. Quant à la touche finale, elle tient au look de Courgette, garçon aux cheveux bleus et aux bras semblant ne pas finir: « On ne voulait pas être trop proches de Tim Burton. Du coup, on a mis beaucoup de couleurs, en choisissant deux au maximum par personnage. Au début, Courgette avait les yeux un peu bleus et fort cernés, avec des cheveux bruns, mais on avait l’impression qu’il avait reçu des coups de poing. On lui a fait les cheveux bleus pour avoir un ensemble. Quant aux bras, c’est un compromis naturel: il fallait que ses mains puissent aller au moins jusqu’aux yeux, on n’avait pas vraiment le choix… » Du haut de ses 25 centimètres, voilà en tout cas l’un des personnages les plus attachants que le cinéma nous ait donné à découvrir depuis longtemps…

J.F. PL.

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