En marge d’Art Brussels, Holy Fire, une expo dédiée aux Arts des Nouveaux Médias, va faire crépiter le buzz. Particularité: elle sera la première du genre à ne montrer que des ouvres numériques collectionnables.

Quelque chose est en train de se passer entre les Arts des Nouveaux Médias, les collectionneurs et le marché de l’art » affirme Yves Bernard, initiateur et curateur de l’exposition Holy Fire – Art of the Digital Age, dont la première partie du nom évoque Holy Fire, le roman éponyme de Bruce Sterling paru en 1996. Un livre culte dans lequel cet auteur de science-fiction ne livrait rien de moins que sa vision de l’art du futur. Le programme de l’expo n’est pas moins ambitieux: explorer ce que sera l’art de demain au moment où celui-ci se trouve à une phase charnière de son développement.

Qu’on les recouvre sous l’appellation d’art digital, numérique, électronique ou Arts des Nouveaux Médias, les pratiques avant-gardistes qui s’invitent aujourd’hui à la périphérie d’Art Brussels risquent fort d’occuper demain le devant de la scène. De façon assez symptomatique, quand Yves Bernard a contacté Art Brussels, pour leur proposer le sujet, ils ont accepté d’emblée de faire figurer l’événement dans la partie off de la foire d’art contemporain bruxelloise. Yves Bernard explique:  » Il y a ne fût-ce que 3 ans, je pense qu’on nous aurait poliment répondu que cela n’avait pas d’intérêt. Cette approbation en dit long sur le monde de l’art contemporain qui se rend compte que quelque chose est en train de bouger. Derrière cela, il y a le fait que la société n’en finit pas de prendre de nouveaux contours sous l’impulsion des nouvelles technologies. Marginal au départ, ce phénomène est en train de devenir mainstream . Cela dit, on n’a pas encore pris toute la mesure de cette révolution. Les gens sont davantage sensibles aux gadgets technologiques qui sont des épiphénomènes liés à la société de consommation. L’art numérique agit à un niveau plus profond: il bouleverse les formes traditionnelles de l’art et surtout rend compte du bouleversement de notre être au monde par ces technologies ».

ÂGE DE RAISON

Si cela fait près de 50 ans que l’art numérique a vu le jour, ce n’est qu’aujourd’hui qu’il quitte doucement le purgatoire après un renouveau à la fin des années 90. Il a d’abord fallu que jeunesse se passe, entre premières dents et maladies de la petite enfance. « Tout n’a pas toujours été intéressant« , confie Yves Bernard. « Il a fallu dépasser l’aspect simplement technologique des choses. Pousser sur un bouton en déclenchant des sons et des images n’a plus beaucoup d’intérêt. La démarche de l’art numérique prend du sens quand elle dessine le contour des nouveaux mythes, aliénations, angoisses et désirs de ce monde technologique qui est le nôtre ». Si l’on en croit le commissaire – qui est aussi directeur d’iMAL (Interactive Media Art Lab), une association installée aujourd’hui le long du Canal à Bruxelles dont l’objectif est de stimuler le processus d’appropriation créative des Nouvelles Technologies – les Arts des Nouveaux Médias sont entrés dans une sorte d’âge de raison. « Il ne faut plus attendre la reconnaissance de l’art contemporain mais aller vers lui ».

NOUVEAU PARADIGME

Longtemps dominée par des standards réfractaires à la collection et à l’exposition, comme l’immatérialité et la difficulté de maintenance, l’£uvre d’art numérique prend aujourd’hui une valeur économique. Une notion qui fait évidemment débat dans la mesure où on peut y voir un nouvel avatar de la grande marchandisation de l’art à travers le monde. « La Belgique qui est plutôt à la traîne dans le domaine de l’art numérique – quoique cela commence a bouger – brille par un aspect: ses collectionneurs. Ceux-ci ont déjà pris le train en marche. Du coup, ils entraînent les galeries dans leur sillage. Tout cela crée une dynamique positive qui amène à un véritable développement bénéfique pour les artistes qui peuvent ainsi diversifier leur source de revenu. Cela dit, tout ne doit pas finir en galeries et en collections privées, il est crucial qu’une avant-garde subsiste afin de préserver l’aspect le plus prospectif du mouvement », souligne Yves Bernard.

Holy Fire donnera à voir une quarantaine d’£uvres – très différentes les unes des autres – à travers 27 artistes différents issus de la scène internationale. Le tout au c£ur du Centre de Cultures Digitales et Technologie, vaste espace de 600 m2 dédié à ces nouvelles formes artistiques. Des photographies de Staelhe prises aléatoirement par des webcams urbaines aux sculptures 3D stéréolithographiques de Chatonsky, en passant par la peinture conceptuelle continue de Reas ou les artefacts issus de l’exécution sans fin de codes – biologiques ou informatiques – de Shane Hope, l’exposition rendra compte d’un « changement majeur de paradigme ». Comme l’explique son commissaire, « après la révolution industrielle où les machines produisaient des objets, nous avons aujourd’hui des machines capables de produire et traiter l’information et de la connaissance ». Soit, un bouleversement énorme dans lequel art et science cheminent main dans la main en réintroduisant la technologie, discipline que l’art contemporain avait exclue de son horizon.

u Holy Fire. Art of the Digital Age. iMAL, 30, quai des Charbonnages, à 1000 Bruxelles. Du 18 au 30/04. u www.imal.org

TEXTE MICHEL VERLINDEN

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