DE JEAN-PIERRE JEUNET. AVEC AUDREY TAUTOU, MATHIEU KASSOVITZ, ISABELLE NANTY. 2 H. 2001.

Avec ce film plein d’humour et d’émotion, de fantaisie et d’invention formelle, Jean-Pierre Jeunet réussit la séduisante fusion du cinéma populaire et du cinéma d’auteur. Et l’engouement spectaculaire qui accueillit son film à sa sortie relève du phénomène culturel, car il répondit tout à la fois à une forme brillante, à une héroïne irrésistible de charme, et aussi – surtout – à une vision du monde poétisant le réel, réenchantant Paris d’un regard émerveillé, à mille lieux de la grisaille et du pessimisme ambiant. Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain, c’est une bulle de beauté, d’émotion, d’optimisme dans un univers social, économique et moral en berne. Pas l’évasion nostalgique, forcément démagogique que certains (rares mais influents) pisse-vinaigre ont voulu dénoncer, mais un acte de foi laïc, voulant croire dans la capacité humaine à faire de ses rêves une réalité tangible, concrète, avec de l’imagination, de la volonté, de la détermination… et un solide coup de pouce du hasard. La gamine mêle-tout, bienfaitrice autoproclamée, qu’incarne si joliment et dynamiquement Audrey Tautou, entre dans l’âge adulte sans avoir renoncé aux espoirs fous de l’enfance et au goût d’expérimenter qui marque l’adolescence. Jean-Pierre Jeunet nous emmène dans sa tête, nous conduit dans ses pas, offrant en partage cette personnalité, cette trajectoire, entre émotion et drôlerie. Il le fait sur un rythme élevé, dans un montage fluide et captivant, avec une inspiration esthétique de chaque instant. Du prologue chroniquant à toute vitesse (et avec la voix d’André Dussollier) le parcours de vie et les goûts d’Amélie au balisage des jardins du Sacré-C£ur de Montmartre par une héroïne amoureuse guidant son petit ami potentiel de signe en signe, sans se montrer à lui, l’inventivité des situations, et des images, est permanente. Saturant certaines couleurs d’une palette hautement expressive, usant d’effets digitaux pertinents, jamais envahissants, l’ex-complice de Marc Caro (ils signèrent ensemble le génial Delicatessen) autorise à sa caméra des délires inédits. Des élans formels admirablement contrôlés, qui ne distraient jamais de l’essentiel « amélien »: le refus absolu de la désillusion. Entre rire -surtout – et larmes, Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain est un bonheur de film. C’est aussi un magnifique hommage au potentiel du 7e art, où le rôle masculin principal n’a pas été donné à un cinéaste (Mathieu Kassovitz) pour rien. Dire qu’il s’agit d’une £uvre « culte » relève de l’évidence, tant ses admirateurs prennent plaisir à le revoir et à en retenir tous les détails. Tant aussi nombre d’entre eux se sentent en harmonie profonde avec son humour, sa tendresse, sa petite musique philosophique et ce plaisir que chaque scène dispense avec générosité.

L.D.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content