Le Détail du monde. L’Art perdu de la description de la nature

De toute la bande qui tournoie autour de l’historien superstar Patrick Boucheron, Romain Bertrand est le plus surprenant. Spécialiste de Java et de l’Indonésie, ce quarantenaire à la plume gourmande et à l’érudition world-class ne s’est pourtant jamais satisfait du pré carré universitaire où il lui était permis de gambader. Dans L’Histoire à parts égales, un pavé comme on n’en fait plus beaucoup, il avait ainsi proposé une lecture de ce que l’arrivée des premiers Européens en Extrême-Orient avait suscité dans les annales locales. La réponse? Nada. Les mecs s’en foutaient comme de leur premier sarong, de ces blancs-becs malodorants et rachitiques qui venaient leur acheter leur camelote. Autant pour le narcissisme du grand colonisateur -ou sa jouissance dans la culpabilité décoloniale. Aujourd’hui, dans Le Détail du monde, un livre aux proportions beaucoup plus retenues, Bertrand s’intéresse à un autre de ces points aveugles de l’historiographie traditionnelle: celui qui concerne la lecture du monde qui nous entoure. De même que les autorités indonésiennes n’avaient pas vu (ou voulu voir) les voyageurs venus d’Europe, nous avons perdu la capacité à voir le paysage et les insectes, les plantes et les champignons -et à nous munir des instruments pour en rendre compte. Certains, d’Alfred Wallace à Alexander von Humboldt avaient pourtant essayé. Nous les avons oubliés. Beau et triste.

de Romain Bertrand, ÉDITIONS Le Seuil, 288 pages.

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