De Najat El Hachmi, éditions Actes Sud, traduit du catalan, 367 pages.

Révoltant! On fulmine lorsqu’on referme ce roman même si, à la toute dernière page, on se sent quelque peu vengé. Le dernier patriarche est le pire monstre que la terre marocaine ait produit et pourtant, toutes les femmes sont conquises par cet homme; il est le schizophrène sadique le plus accompli, ce qui n’empêche pas, à chaque faute, sa mère, ses s£urs, sa femme de le protèger.  » Mais qu’est-ce qu’il a, ce Mimoun » pour les séduire toutes: jeunes, vieilles, prudes, laides voire repoussantes? Sans vouloir être trivial, on pourrait répondre qu’il a un attribut viril redoutable et en fait un très bon usage; pour d’autres, accessoirement, il a  » un grain de beauté si sombre au-dessus de la lèvre! » D’autres encore attribuent ses débordements à une revanche à prendre: une gifle magistrale que son père lui avait administrée peu après sa naissance.

Najat El Hachmi lève le voile sur ce monde arabe, très fermé où tout se règle en famille, surtout les pires atrocités. L’originalité de cette fresque réside dans le choix de la narratrice, la fille du despote, jeune femme d’une vingtaine d’années qui a décidé d’en finir avec le poids de la tradition. Elle ne nommera pratiquement jamais les membres de cette famille, réduits à des ombres, comme pour mieux focaliser sur le charisme dévastateur de Mimoun Driouch. Son regard est implacable, elle dépeint trois générations de Marocains ballotés entre le village natal et Barciluna où le destin peut enfin être transgressé. D’un côté, les grands-parents, des gens simples qui n’ont jamais quitté leurs terres et de l’autre, la volonté d’un fils caractériel devenu migrant par appât du gain. Au Sud, l’on marche sur les pas des ancêtres; au Nord, on essaie de s’intégrer; au centre, un abîme de contradictions.

On suivra avec autant d’intérêt que de circonspection les pérégrinations de cet homme, fratricide à l’âge de deux ou trois ans, sodomite par tradition, bourreau de l’une de ses s£urs, tortionnaire de sa femme, collectionneur de maîtresses toutes religions et mensurations confondues… mais qui trouvera son maître en sa fille.

Mention spéciale pour la couverture magnifique, due aux talents de Shirin Neshat et qui évoque si bien la narratrice.

M.-D.R.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content