METRONOMY, L’UN DES GROUPES LEADERS DE LA POP ACTUELLE, REVIENT AVEC UN QUATRIÈMEALBUM FORCÉMENT TRÈS ATTENDU. RENCONTRE AVEC JOSEPH MOUNT, SA (SEULE) TÊTE PENSANTE.

Nominé pour le prestigieux Mercury Prize, souvent cité parmi les meilleurs albums de 2011, The English Riviera a placé Metronomy au firmament de la pop mondiale. Jusque-là, le projet de Joseph Mount n’avait un impact, aussi sautillant soit-il, que sur les amateurs de remixes et d’expérimentations électro-virevoltantes du meilleur tonneau. Mais le groupe a pris une nouvelle dimension avec The Bay et les autres envolées tubesques du précédent opus. Autant dire que Love Letters, le nouvel album du quatuor, va être scruté dans les moindres détails par une fan-base furieusement élargie. Trois ans après l’avoir rencontré pour parler de sa riviera anglaise, petite papote avec un Joseph Mount toujours aussi sûr de son fait. Et on le comprend.

Comment résumerais-tu l’esprit de Love Letters?

Hum… Il y a un paquet de choses à dire sur le nouvel album. Avant tout, je crois qu’il évolue dans un univers assez différent du précédent. Le son est clairement plus intime, notamment parce que Love Letters a été enregistré dans un studio plus analogique, soit l’exact opposé de ce qu’on avait fait pour le précédent album. The English Riviera se voulait plus sophistiqué dans les intentions. C’était vraiment un album de studio né de ma volonté de créer quelque chose qui ne ressemblait pas à ce que je faisais chez moi, à la maison. Love Letters prend une nouvelle direction, le studio dans lequel il a été enregistré est plus simple, plus minimaliste.

Il y a trois ans, tu disais pourtant que tu voulais travailler avec encore plus d’instruments…

Oui, je sais… En fait, curieusement, après avoir enregistré The English Riviera, une partie de moi n’avait pas encore assouvi son envie d’album studio. Il y avait cet énorme desk, plein de micros brillants, des batteries incroyables et tout, ça faisait très studio, mais au final, on intervenait sur ordinateur. C’était un peu décevant. Je voulais que Love Letters se fasse sans ordinateur. Que tout soit analogique, que la musique atterrisse sur une bande, qu’il n’y ait pas de montage ou d’ajouts informatiques. J’ai l’impression que l’album est plus construit, mieux préparé, davantage encore fait d’idées. Et c’est clairement plus satisfaisant pour moi.

Difficile de dissimuler le côté nostalgique, voire mélancolique de l’album…

Oui, probablement, même s’il y a aussi des moments plus « happy ». Je dois dire que je ne suis pas quelqu’un de mélancolique ou de déprimé. Mais en même temps, j’aime la manière dont sonne la musique plus mélancolique. Quant à la nostalgie… C’est vrai que je suis nostalgique sur pas mal de choses et de sujets, même s’ils se sont produits il y a peu de temps. L’album fait référence, par moments, aux années 60 ou 70, mais c’est la base de pas mal de musique actuelle, me semble-t-il. Et puis globalement, les gens ont tendance à rattacher des chansons à tel ou tel moment de leur vie, c’est impossible à éviter.

Il y a moins de hits en puissance sur Love Letters que sur The English Riviera. Est-ce que tu prédis à cet album le même succès que le précédent?

Je n’essaie pas d’écrire des singles ou des hits, même si je pense qu’I’m Aquarius et Love Letters sont des morceaux plutôt évidents. Pour le prochain single, le label semble vouloir pousser The Upsetter… Pourquoi pas, même si c’est peut-être un peu « down » pour un single. Tu sais, le monde de la musique est une bien vaste place, les gens aiment avoir des options d’écoute différentes. Et cet album est une proposition différente du précédent album. Je ne vois pas pourquoi il marcherait moins bien (sourires).

Est-ce que tu l’as écrit tout seul, comme d’habitude?

Je ne me suis jamais assis avec quelqu’un pour échanger des idées à propos d’un morceau. Je n’ai jamais fait ça. Si quelqu’un venait chez moi en disant: « Ecoute, j’ai eu cette idée, tu vas aimer« , j’écouterais, mais… Je pense que les autres membres du groupe ont leurs projets, leurs conceptions. Benga, par exemple (Olugbenga Adelekan, le bassiste du groupe, ndlr), fait sa propre musique, et je ne pense pas qu’il ait nécessairement envie d’amener quelque chose aux morceaux de Metronomy.

En clair, Metronomy est ton groupe de scène… Après The English Riviera, tu émettais pourtant l’idée que tu pourrais impliquer davantage le groupe dans la conception des morceaux.

Oui, c’est vrai, mais tant Oscar qu’Anna ou Benga jouent beaucoup sur les chansons du nouvel album. Ils s’impliquent plus que tu ne le penses. Quand tu fais un album, de toute façon, les gens ne se demandent pas vraiment qui l’a écrit, ils se demandent surtout ce qu’ils ressentent. Je pense de toute manière que si tu mets cinq mecs dans une pièce qui donnent leur opinion et leur input sur un morceau, tu n’arrives à rien. Il faut toujours quelqu’un pour diriger, pour mener. Et je suis sûr que ça se passe comme ça dans les autres groupes: une ou deux personnes donnent le la, et c’est assez.

Après le succès de The English Riviera, l’attente a largement augmenté pour la sortie de Love Letters. Comment as-tu fait pour gérer la pression?

En fait, pour moi, rien ne change vraiment. Dans ma tête, la pression est toujours plus grande qu’elle ne l’est en réalité. Quand j’ai fait Nights Out (le deuxième album, ndlr), par exemple, j’étais sûr que des centaines de milliers de personnes attendaient mon album. En réalité, ils étaient peut-être… 5000. La pression, c’est toujours moi qui me la dicte, personne d’autre. Et c’est important je pense, d’avoir la main là-dessus. Autrement, tu es paralysé.

Et le succès, la hype, ça te fait quoi?

En fait, le succès est arrivé au troisième album, donc j’ai eu des années pour me préparer… Si tu signes avec une maison de disques et que ton premier album est un hit, tu as toute la pression du monde pour le suivant. The English Riviera a eu plus de succès que je ne l’aurais pensé, mais en même temps, je sentais que c’était un bon disque. J’aurais été vachement déprimé s’il n’avait pas été bien accueilli. Si après deux albums, tu fais un The English Riviera et que c’est un échec, ça devient plus dur. J’étais certainement mieux préparé à avoir encore plus de succès qu’à affronter un échec…

Après The English Riviera, tu me disais que tu avais encore quatre ou cinq bons albums en toi… Toujours d’actualité?

J’ai dit ça? Donc en incluant Love Letters, il en resterait trois ou quatre… Franchement, aujourd’hui, je pencherais plutôt pour deux ou trois. Disons probablement deux. Et clairement un. Je ne vais pas m’arrêter tout de suite en tout cas. Mais quand je sentirai que Metronomy est au bout de sa course, je changerai de nom et je ferai autre chose. Je ne pourrais pas sortir un album en sachant pertinemment qu’il est mauvais. Et ça arrive souvent. Tu écoutes l’album de certains groupes et tu sais qu’ils le savent. Mais ils le sortent quand même, parce qu’ils ont des obligations avec leur maison de disques, ou parce qu’ils sont persuadés qu’ils en vendront de toute manière. Ça reste inexcusable. Et ça finit toujours par se remarquer.

Michel Gondry en personne a réalisé le clip de Love Letters. Qui a appelé qui?

En fait, c’est Michel Gondry qui a contacté le label, parce qu’il avait envie de faire un clip. Un de ses amis, au sein du label, l’a convaincu de faire quelque chose avec nous. Je savais qui était Michel Gondry, j’adore ses vidéos, mais lui ne savait pas qui on était. Mais ce qui est chouette quand tu bosses avec lui, c’est que tu sais qu’il le fait parce qu’il aime ta musique. J’imagine qu’il a aimé ce qu’il a entendu… Les gens avec qui il a bossé pour cette vidéo étaient plutôt excités à l’idée de faire un truc avec Metronomy, donc il a dû se dire: « Mmhh, ok. » J’adore la vidéo, mais comme j’étais forcément présent quand on l’a faite et que je savais un peu à quoi m’attendre, je ne me suis jamais dit: « Oh mon Dieu, c’est incroyable!« , contrairement aux gens que je croise et qui n’arrêtent pas de me dire: « Ça c’est du Gondry des débuts! » Haha!

ENTRETIEN Guy Verstraeten

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