Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

« Intime »

Christophe

DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL.

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Bashung mort, Polnareff définitivement fondu, Johnny au-delà de sa propre caricature, Christophe est bien le dernier des Iroquois légués par la France gaullienne dans l’option d’un héritage rock. Bien avant que la génération Rita Mitsouko ne donne une crédible version du « rock à la française », il y avait donc Christophe.

La Dolce Vita

D’abord, il est partie prenante de Salut les copains et de vocations aux tubes: il en pond deux, énormes, la même année 1965, Aline et Les marionnettes. Ce mimétisme de la variété d’époque ne préjuge pas de la carrière qui va suivre: vaches maigres en deuxième partie de sixties mais renaissance éclatante avec Jean-Michel Jarre en parolier (…) via Les paradis perdus en 1973. L’année suivante, Les mots bleus confirment que Daniel Bevilacqua, né en 1945 en banlieue parisienne, a versé le sang chaud de ses origines italiennes dans un moteur de crooner rock nourri d’ADN hautement mélancolique. Tout cela donne une carrière inégale mais tisse une légende autour d’un noctambule viscéral qui grille les limitations de style comme celles de vitesse. Quand, après 26 ans d’absence scénique, en février 2002, Christophe se produit à l’Olympia, le public -nous compris- est ébahi.

Toutes ces histoires et d’autres parcourent les quatorze titres enregistrés en décembre 2012 lors de deux concerts live au Studio Davout, à Paris. D’emblée, Christophe impose sa voix, pas par la force, mais dans la porosité ambiguë des genres: variété/rock, masculin/féminin, épique/intime, proche/universel. Cette voix, rayée en blues du Pô, enveloppe et emballe, particulièrement dans le tempo lent. Qui, ici, est la règle. Le piano, pratiqué en accords mineurs et cristallins, semble avoir survécu à autant de guerres que d’histoires d’amour: avec la voix de survivant nucléaire, explosée de réverb, de Christophe, ils font une drôle de paire. Ensemble, ils parcourent des mélodies aux allures classiques flanquées d’un mélo aggravé: c’est Liszt en Vespa dans les rues de Roma. Ou Mozart à San Remo, un oeil sur les ragazze. Le dépouillement quasi religieux des chansons les sert particulièrement bien: à la guitare, Christophe surprend dans sa reprise de Brassens (La non-demande en mariage) mais l’autre titre, Alcaline, emprunté à son « copain, Alain » (Bashung)se fond dans son propre répertoire. Ambiance fin de soirée ou plutôt fin de siècle sur Paradis perdus, Les mots bleus, J’l’ai pas touchée, retour de nostalgie garanti via Les marionnettes et Aline, sentiment d’accomplissement total, pour ne pas dire de chef-d’oeuvre irradié, sur La Dolce Vita. Quel mec, quand même.

PHILIPPE CORNET

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