Suédoise de Paris, la très jeune Victoria Tibblin s’impose sur son premier album éponyme comme chanteuse passionnelle, héritière corsée de Janis Joplin…

Pris à partie par l’intro magistrale de Make Me Pretty (et ses riffs de guitares très London Calling), malmené par les grooves lents et sensuels, bousculé par les textes acides, on en arrive à la conclusion que Victoria, vingt-et-un ans, est la vocaliste la plus tranchée, la plus touchante, apparue en 2007-2008. Douée dans un style à la fois redevable à la gouaille de Catherine Ringer et au blues profond de Janis Joplin, quelque part entre l’étuve Paris-Pigalle et le spleen mississippien. Particulièrement sur ce premier album lorsque le tempo se ralentit et que la violence du courant vocal semble doter la même chanson de plusieurs vies: Don’t Leave introduit un grain de folie prolongé par le punky A Dieu Vat lui-même définitivement mis à genoux lors d’un Squelette hypra-électrique.

L’action ne lâche jamais le sentiment, cru et délivré de toutes les contraintes. Victoria se libère visiblement de quelque chose. Nous aussi.  » C’est un premier jet, une toute première fois. Ce disque est mon vécu: même si je parle de cock (Ndlr, bite dans Selfish ), je ne poursuis pas le vulgaire et j’ai parfaitement conscience qu’il est difficile de réinventer un style. J’ai l’impression que le blues que ma mère m’a apporté en me faisant écouter les disques de Janis Joplin ou Billie Holiday ( voir encadré) ne m’a pas laissée intacte. Je travaille dans un milieu d’hommes où le plus souvent, une gonzesse est perçue comme un trou.  »

L' »ODIEU » COMPARSE

La jolie blonde, née en Suède, a grandi à Londres avant de gagner Paris à la pré-adolescence. Dans un hôtel bruxellois, elle aligne les clopes, pas loin de son producteur comparse, Didier « Odieu » Kengen (1). Victoria a vu Odieu en scène et ne s’en est pas remise: la seule solution était de travailler avec lui sur ce premier album.  » On a passé deux années ensemble, en tout bien tout honneur, de manière fusionnelle, retravaillant sans cesse les chansons des nuits entières. Une phrase en amenant une autre, à tel point que sur certains morceaux, on ne sait plus trop qui a écrit quoi. Cela a été une plongée en apnée dans l’histoire de Victoria, chaque fois qu’on joue ensemble, la magie est là », s’enthousiasme le quadra Kengen qui affiche son meilleur sourire. Celui qu’on décoche généralement après l’épanouissement physique ou musical. Odieu a craqué pour Victoria parce qu’elle prend les chansons frontalement comme on l’entend peu dans le rock actuel. Ou alors dans les contingents plus indies et avec nettement moins de talent. Victoria a l’étoffe d’une Patti Smith qui saurait – vraiment – chanter. Naviguant entre l’anglais et le français, elle a le verbe vachard et laisse planer des ombres de passé nitroglycérine. Un moment, on a même l’impression qu’elle nous ressert des fantasmes carrément maladifs – junkie et compagnie -, vieux procédé frenchie qui consiste à romantiser la poudre. Elle dément:  » A 13 ans, je me suis retrouvée « model » mais cela a vite mal tourné vu mon caractère (sourire ). Je n’ai jamais voulu perdre mon âme et tomber dans l’héro, parce que c’est un peu le début de la mort. » On sent bien que Victoria avait besoin de franchir cette étape de jeunesse discographique avant de passer à autre chose. D’une certaine manière, l’album est déjà dépassé par le live, lieu indémodable de toutes les vérités:  » En scène, j’ai l’impression d’un dédoublement de moi, quand j’en sors, mes mains tremblent, comme si j’étais en descente de came… Il m’arrive de pleurer, d’avoir aussi un sentiment de puissance, ce truc de « faire l’amour avec le public » n’est pas une blague. » On la croit volontiers. Et on l’envie un peu…

(1)Citoyen néerlandais belge d’adoption, plusieurs fois donné « future star », ce surdoué de la chanson, auteur ironique viscéral, performer iconoclaste, n’a jamais concrétisé dans les ventes de disques ses promesses de talent toujours actuelles. Victoria Tibblin, chez Universal. On attend un concert en Belgique… www.victib.com

TEXTE PHILIPPE CORNET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content