DE TRISTAN JORDIS, ÉDITIONS DU SEUIL, 379 PAGES.

Sujet brûlant: le premier tour des élections a eu lieu en Egypte le 23 mai dernier et les craintes des activistes de la Place Tahrir se sont avérées: au deuxième tour, ils auront le choix entre le représentant des Frères musulmans ou un militaire, ancien du gouvernement Moubarak.

Reportage? Témoignage? Docu-fiction? Tristan Jordis, en parfait sociologue, analyse le printemps arabe sous plusieurs angles. Il explique la révolution de l’intérieur, aidé dans sa démarche par les témoins directs des événements à qui, d’ailleurs, le récit est dédié. Car au départ, l’auteur-narrateur arrive au Caire avec, pour tout bagage, deux adresses qui l’aiguilleront entre autres vers une jeune bourgeoise très impliquée dans la révolution. Le but de l’auteur est d’écrire » comment ça se passe dans la bataille« . Et de batailles, il en sera question: les témoins de la révolution se succèdent pour relater, chacun avec sa sensibilité, le déroulement des événements au cours des mois de janvier et février 2011.

Mais au-delà des faits dont nous avons eu connaissance par les médias, ce qui est intéressant dans le récit de Jordis, ce sont les à-côtés de la révolution. Une ville qui continue à vivre, avec ses terrasses bondées de Cairotes amateurs de narguilés et grands consommateurs de haschich; une solidarité entre classes sociales soudées face à l’ennemi commun, Moubarak; le rôle déterminant des comités de quartiers conçus pour protéger la sécurité des habitants et surtout la mainmise de l’armée égyptienne sur tous les secteurs porteurs du pays, que ce soit le tourisme, la réquisition de denrées de première nécessité, la régulation de la drogue ou la gestion des pénuries.

La ville du Caire y  » fait l’effet d’une enchère aux hallucinations » car l’auteur sonde tous les quartiers, du plus glauque (aux mains de gangs libérés par la police pour semer le chaos) jusqu’aux fiefs soufis et coptes.

A situation complexe, récit dense dont l’épilogue ne laisse que peu d’espoir aux démocrates, d’autant  » que l’Occident, pour préserver la stabilité de la région, n’aura d’autre choix que de soutenir l’armée, comme il l’a toujours fait« . l

M.-D.R.

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