“Le cosmos est un grand moi”

© jean pierre müller

Renouant avec son ADN pictural, Jean Pierre Müller signe une exposition chromatiquement jubilatoire qui est aussi un hymne à la liberté plastique retrouvée.

Vous êtes connu pour votre travail de sérigraphie qui a notamment marqué -et chauffé- les esprits à l’AfricaMuseum de Tervuren. Or, après un long silence, vous revenez avec une exposition sans une seule image reportée. Quelle a été votre démarche?

C’est un tout autre corpus. Je me suis réveillé un jour avec une maladie assez grave. Je pouvais perdre l’usage de ma main droite. Très vite, j’ai réalisé que si cette main me quittait, c’était la parole qui me déserterait, d’où le titre de l’exposition, SSpeechless. C’est survenu à un moment où je saturais face à l’avalanche des discours critiques. J’avais exposé à Tervuren en compagnie d’Aimé Mpane et soudain j’étais un salaud pour les uns, un brave type pour les autres. ça m’a donné l’envie de me retirer.

Avec son nom paradoxal, SSpeechless prouve le contraire…

Oui, mais au départ je n’avais pas l’intention de montrer tout cela. En sortant de l’hôpital, j’ai demandé à mon épouse une toile blanche verticale un peu plus grande que moi afin que je puisse pénétrer dans cet espace symbolique. ça a marqué une première étape qui n’est pas anodine car je me suis confronté à un héritage transgénérationnel: mon père et mon grand-père étaient peintres. Par la suite, j’ai eu une rechute, j’ai alors imaginé un dispositif avec des mousses pour pouvoir travailler à l’encre sur des petits formats. Avec le temps, j’ai pu renouer avec des toiles plus grandes et même faire place à des bribes figuratives.

Les œuvres sont baroques en un certain sens. Que disent-elles?

Avant tout, que l’artiste est une crapule comme les autres. Je ne cherche aucune compassion et je n’ai jamais été un moraliste. Je me suis replongé dans Ce qui n’a pas de prix, le petit livre d’Annie Le Brun qui plaide pour l’éblouissement et le non-assujettissement de l’art. J’ai laissé mon inconscient opérer. Faisant cela, j’ai traité la douleur à la façon d’une simple information. Cette plongée en moi m’a paru comme une immersion dans l’univers. Je crois au lien qui nous unit avec l’infiniment grand. Je suis le cosmos et le cosmos est un grand moi.

SSpeechless ***1/2, de Jean Pierre Müller, à la Zedes Art Gallery, Bruxelles, jusqu’au 06/05.

© National

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