Atypique, prolifique, passionné, l’improbable mais très authentique Jean-Jacques Rousseau trace une trajectoire unique et savoureuse dans le cinéma belge et mondial.

Avec une quarantaine de films au compteur, c’est sans doute le plus prolifique de nos cinéastes. C’est aussi le plus étonnant, le plus stupéfiant même. Bruxelles et Paris le mettent aujourd’hui à l’honneur ( voir ci-dessous). Qui n’a pas vu ses chroniques surnaturelles peuplées de demi-dingues et de savants fous, de nazis caricaturaux et de maîtres du monde à la petite semaine, n’a en fait rien vu! De L’Etrange histoire du professeur Igor Yaboutich (son premier film, en 1964) à La Revanche du sacristain cannibale (un de ses plus récents opus) en passant par Dossier réincarna-tions (1977) et Wallonie 2084 (2003), la filmographie de Jean-Jacques Rousseau cultive le fantastique et l’horreur, les malédictions de toute sorte et les menées totalitaires cruelles, sur fond de terroir carolorégien et avec des personnages totalement déjantés.

Autodidacte passionné

Défendu très tôt par le subversif Noël Godin, révélé internationalement par le documentaire de Frédéric Sojcher Cinéastes à tout prix, le mystérieux Courcellois a promené sa cagoule (il refuse d’être filmé ou photographié à visage découvert) jusque devant les caméras de CNN! Et une certaine intelligentsia parisienne ne jure plus que par lui. Mais l’autodidacte passionné, qui a financé lui-même la quasi-totalité de ses films, n’en a pas la grosse tête pour autant. Son amour du cinéma, c’est en découvrant les films d’horreur de la société de production britannique Hammer (avec Christopher Lee et Peter Cushing) qu’il l’a tôt développé.  » Enfant, dans les années 50, j’avais été beaucoup impressionné par La Créature du lac noir et Le Jour où la Terre s’arrêta, se souvient Rousseau. Mais ce sont vraiment les films de la Hammer qui m’ont marqué: leurs personnages, je pensais qu’ils étaient réels, et qu’ils pouvaient descendre dans la salle. Ce qui fait qu’en sortant du cinéma Luminor, à Souvret, je croyais souvent reconnaître les acteurs dans les spectateurs qui quittaient les lieux… »

Comme sa maman, Jean-Jacques devint rapidement cinéphile. Comme elle aussi, il crut au surnaturel.  » Elle ne se laissait jamais prendre en photo, par peur qu’on puisse lui faire du mal en utilisant cette image. C’est de là que vient le fait que je reste masqué. J’ai d’abord porté la barbe, puis la cagoule que vous connaissez. J’écarte ainsi les mauvais esprits et les malédictions qui pourraient me frapper… » Si le fantastique est si naturellement présent dans le cinéma de Rousseau, et s’il s’accorde de si savoureuse manière aux accents wallons de la post-synchronisation, c’est qu’il fait en somme partie du paysage.  » J’ai grandi en sachant bien qu’il ne fallait pas faire de grimaces au moment où les cloches de l’église sonnaient l’heure!« , se rappelle à ce propos un cinéaste qui reconnaît l’existence des ténèbres.

Ancré dans le terroir

 » J’ai tout ce qu’il me faut à Courcelles!« , clame-t-il en évoquant le cadre majoritairement local de ses films, et la présence à leurs génériques d’une vraie troupe où Jean-Claude Botte (décédé cette année), Victor Sergeant, Frans Badot et René Cubba occupèrent une place importante. Rousseau voue par ailleurs une grande reconnaissance à Marc Leclef, le responsable du Centre Culturel La Posterie à Courcelles, qui a su l’accueillir et favoriser son travail de création. S’il déclare ne pas douter un instant que  » le monde court à sa perte, que la fin est proche« , le réalisateur n’en poursuit pas moins à toute force son £uvre aussi prolifique qu’inclassable et déraisonnable. Pour le plus grand plaisir de ceux et celles dont le regard sait quitter les sentiers battus et explorer l’inattendu, le rare, l’extrême, le délirant.

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Texte Louis Danvers

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