La mode est au bricolage. Quand ça a l’air réalisé avec trois francs six sous, c’est furieusement tendance.

Dans la salle de bains, la radio crachote son flux d’info, de musique et de pub. Un spot fait lever le sourcil, entre le shampoing et le conditionner. L’article dont il vente les mérites est actuellement vendu 35 % moins cher. Alors, dit la voix-off, cette publicité est aussi réalisée avec 35 % de moyens en moins. Et le speaker de chantonner les jingles, de se racler la gorge et de reprendre le fil de la mélodie. Drôle! Et en plein dans la hype. On vit une époque formidable: celle où pire c’est, mieux c’est. Où le cheap fait recette. Où l’association moustache/marcel fait figure de dress code trendy, et les tables en formica sont des chefs-d’£uvre design.

Une mode qui a contaminé tous les domaines de la créativité, du ciné à la télé en passant par le look et la photographie. Cette dernière sphère étant particulièrement gâtée. Aux récentes rencontres d’Arles, le Français Jean-Christian Bourcart exposait des photos de mariages des 70’s ratées. Et l’Allemand Joachim Schmid proposait une compilation de 900 clichés oubliés, jetés, déchirés, et dénichés dans la rue ou ailleurs. Le site néerlandais www.deletedimages.com, cimetière de photos floues ou surexposées, fait un carton après quelques mois d’existence seulement. Et les lomographes se comptent par centaines de milliers.

Les lomo-quoi? Des membres d’une communauté d’adeptes de la lomographie – du nom du Lomo Compact Automat, un appareil photo russe des années 80 de qualité médiocre dont les utilisateurs revendiquent les défauts. L’appareil, dont la production s’était arrêtée, avait tapé dans l’£il d’étudiants en marketing, au début des années 90. Ils ont relancé sa commercialisation, sous pavillon autrichien.

Tendresse

La marque a aujourd’hui son site web, www.lomography.com, où les amateurs du monde entier s’échangent des £uvres aux bords trop foncés, aux couleurs saturées et à l’exposition double. Des clichés qui n’ont finalement de raté que le label, puisqu’il s’en dégage une douce poésie. Sur ce portail, on peut découvrir par exemple 3 000 photos de Bruxelles, qui subliment le surréalisme de notre capitale. Manneken Pis y fait pipi flou, le ciel y est si bas qu’un Atomium noir s’y pend… Un hommage tendre et émouvant au monde. Poétique également, le film Soyez sympa, rembobinez, pour lequel le réalisateur français Michel Gondry a mis au point un néologisme: la suédisation. Un mot dérivé d’une scène pendant laquelle un tenancier de vidéoclub raconte pourquoi ses films coûtent si cher à la location: parce qu’ils viennent de la lointaine Suède. Dans Soyez sympa, rembobinez, toutes les bandes magnétiques des VHS s’effacent, et les héros décident de re-tourner les films avec les moyens du bord, pour donner de la matière à leurs clients. Des clients décontenancés puis ravis. « Sometimes the best movies are the ones we make up », est le slogan du film. Les geeks qui squattent YouTube avec leur popote sont plutôt d’accord. Et nous, on applaudit des deux mains. Après une overdose de bling bling, 35 % de rabais sur le clinquant ça fait du bien aux yeux comme à l’âme.

DE myriam leroy

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