ACTEUR ET RÉALISATEUR PROLIFIQUE, JAMES FRANCO ADAPTE LE ROMAN AS I LAY DYING DE WILLIAM FAULKNER, ODYSSÉE FAMILIALE HASARDEUSE DONT IL PROPOSE UNE LECTURE ÉTOURDISSANTE. À DÉCOUVRIR EN DVD.

Performance peu banale: James Franco aura réussi à placer l’une de ses réalisations dans chacun des festivals majeurs en 2013. Après Interior. Leather Bar, création imaginée au départ des 40 minutes perdues de Cruising de William Friedkin et présentée à Berlin, on a pu apprécier, à Cannes, son adaptation du As I Lay Dying de William Faulkner, avant de découvrir, quelques mois plus tard à Venise, un Child Of God inspiré de Cormac McCarthy celui-ci. Ajoutez-y la dizaine de films auxquels l’acteur a pris part en 2013 (au rang desquels Oz the Great and Powerful de Sam Raimi et This Is The End d’Evan Goldberg et Seth Rogen), et on comprendra qu’une étiquette de workaholic lui colle à la peau, appellation qu’il récuse cependant. « Ce terme a une connotation négative, alors que je considère avoir beaucoup de chance de faire un travail correspondant à ma passion. Qui plus est, lorsque je m’attèle à ces différents projets, je retrouve mes amis voire même ma famille. Je n’essaye pas de fuir quelque chose à travers le travail, ni même de prouver quoi que ce soit. Je m’y épanouis, d’autant plus que j’ai désormais l’opportunité de mener à bien les films dont je rêvais. »

Réalité sublimée

Comédien éclectique, aussi à l’aise sous les traits de Harry Osborn dans la franchise Spider-Man version Sam Raimi que dans sa composition hallucinée pour le Spring Breakers de Harmony Korine, James Franco s’est, dans le même temps, affirmé comme un réalisateur aventureux. Le genre à oser une relecture audacieuse du My Own Private Idaho de Gus Van Sant dans le bien nommé My Own Private River, mais aussi à se planter dans les grandes largeurs pour son Child of God. Ou encore à livrer un As I Lay Dying ardu, mais fascinant. Le roman de Faulkner, racontant l’odyssée d’une famille transbahutant la dépouille de la mère à travers le Mississippi, l’acteur/réalisateur se souvient l’avoir découvert adolescent, sur la recommandation de son père. « J’ai été séduit par la profondeur des personnages, qui me permettait d’éprouver de l’empathie pour certains d’entre eux, à la lisière de l’âge adulte, et les sentiments qu’ils éprouvaient dans les expériences auxquelles ils étaient confrontés. Cela vaut d’ailleurs pour d’autres personnages de Faulkner, comme Quentin, dans Le Bruit et la fureur. Et j’ai également été attiré par la complexité de sa prose, et la façon dont il structurait ses romans qui constituaient autant de défis. Il ne s’agissait pas juste de les lire et de tourner les pages pour avoir un lien direct avec ce qui s’y trouvait décrit. Mais, par bien des aspects, d’un puzzle qu’il fallait résoudre, au prix d’un investissement émotionnel personnel… »

La singularité de Faulkner, As I Lay Dying en offre une bonne ilustration, le roman alignant pas moins de quinze narrateurs différents au gré de ses 59 chapitres. Autant dire que l’adapter au cinéma relevait de la gageure. Mais si la difficulté en aurait découragé plus d’un, Franco semble, pour sa part, y avoir trouvé matière à stimuler sa créativité. Ainsi, en particulier, d’un dispositif recourant à des voix off en prise directe sur la technique du courant de conscience, le recours soutenu au split screen fragmentant par ailleurs la narration. « Tout a été inspiré par le roman où, à chaque chapitre, un personnage différent raconte une autre partie de l’histoire. Je devais trouver le moyen de traduire cette perspective en temps cinématographique sans verser dans la formule, et le split screen m’est apparu comme la solution, parce qu’il multipliait les points de vue et y ajoutait le sentiment, presque onirique, d’élévation qui accompagne l’expérience de cette famille. » Désarçonnant, le procédé a aussi le don de happer le spectateur au coeur d’un récit trouvant, au-delà du cadre de l’Amérique des années 20, une résonance intemporelle. « Cette histoire est plus que la simple addition des événements qui s’y déroulent: elle parle du fait d’avancer dans l’existence, et de l’expérience de la vie. Faulkner excelle dans ce domaine: à un niveau, il s’agit d’une histoire fort simple, presque un road-movie. Mais à un autre niveau, c’est comme une épopée, où la réalité est sublimée. C’est ce qui m’intéressait: raconter ce voyage, tout en donnant l’impression que quelque chose de plus vaste est en train de se produire. »

RENCONTRE Jean-François Pluijgers, À Cannes

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