Depuis 10 ans, Red Bull organise une université d’été pour DJ’s et autres musiciens électroniques. Un gimmick marketing? Pas seulement…

Barcelone, mi-octobre. Malgré les 25°, la capitale de la Catalogne respire. L’été mitigé a en effet résolu, en partie, les problèmes d’approvisionnement d’eau du printemps. Par contre, l’afflux des touristes, lui, n’a pas cessé. La saturation est proche. Et ce n’est pas la dernière carte postale de Woody Allen qui va arranger les choses, râlent certains…

A la Fabra i Coats, lieu d’accueil de la Red Bull Academy édition 2008, on semble loin de tout ça. En fait, on a d’autres préoccupations. Toutes relatives au vu de l’ambiance cool qui y règne, mais quand même: Sly & Robbie ne sont toujours pas là. L’horaire espagnol combiné à la nonchalance jamaïcaine? Dans la salle de conférence, affalés dans les divans, les « étudiants » attendent sagement les « rois du rythme ». Un GO annonce, à moitié convaincu:  » Ils arri-vent dans une minute… Peut-être cinq… »

Invités de marque pour auditoire international

Le légendaire duo basse-batterie aux 200 000 sessions d’enregistrements (de Bob Marley à Gainsbourg en passant par les Stones, Grace Jones, Dylan…) fait partie des invités de la Red Bull Music Academy barcelonaise. La veille, c’était Chuck D, icône du rap militant au sein de Public Enemy, qui était à leur place. Les Belges de Front 242 ont également fait le déplacement quelques jours plus tôt, tout comme l’Allemand Mauritz van Oswald, l’Anglais dubstep Mala… Tous sont venus livrer un pan de leur science sonique à une trentaine de jeunes musiciens. L’auditoire est international: Anglais, Canadiens, Sud-Africain, Is-raélien, Brésilien… un Belge aussi, San Soda, alias Nicolas Geysens ( lire ci-contre). Pour être sélectionnés, les candidats ont dû envoyer une démo et remplir un long formulaire de 15 pages. Le type de questions: Comment décririez-vous votre type de musique? Qu’attendez-vous de l’Académie?, mais aussi Qu’y a-t-il à côté de votre lit? ou Quel serait le titre de votre autobiographie?

Au bout du compte, une participation à une session de 15 jours, et l’opportunité de confronter son travail, ses méthodes, de rencontrer quelques solides pointures internationales… Aucun diplôme n’y est délivré, aucun gagnant n’est désigné. Il n’est officiellement question ici que d’amour de la musique et d’échanges d’idées. C’est évidemment un peu différent pour la marque hôte, qui y trouve une magnifique occasion de fortifier son image jeune, branchée, urbaine. En un mot: coooool. Elle le fait depuis 10 ans maintenant, avec une première édition à Berlin en 98. Depuis, elle s’est baladée entre Dublin, New York, São Paulo, le Cap… La tendance n’est pas neuve: les entreprises ont toujours adoré mettre les pieds dans le monde de la musique. Que ce soit encore récemment les jeans Diesel qui lancent leur plateforme musicale par exemple, ou le marque de rhum Havana Club qui permet à Marka d’enregistrer son album cubain. Red Bull a cependant pris de l’avance. Et met les moyens: plus d’un tiers de ses ressources, soit près d’un milliard et demi d’euros par an, sont alloués au marketing.

Subtil

Pas question de matraquage pourtant. La marque de boisson énergisante la joue plus subtil. Aucun affichage en ville ne signale la tenue de l’événement. Et si, quelques jours plus tôt, le concert gratuit de Goldie, autre « conférencier » de l’Academy, s’est déroulé derrière l’imposant Arc de Triomphe, celui de Sly & Robbie a trouvé place sur la modeste plaza del Rey, dans le Barrio gotico. L’académie-même s’est installée en dehors de centre-ville, dans le quartier Sant Andreu, où elle a investi une ancienne usine textile. Au terme de l’édition 2008, le lieu sera transformé en centre culturel. Avant cela, il aura servi de QG pour tous les participants, qui auront pu bénéficier d’un confort de travail assez inouï. Une salle de conférence, huit studios de préproduc-tion, une salle de répétition, un studio d’enregistrement et deux salles de contrôles… Dans chaque pièce, il y a bien entendu des frigos remplis de canettes de Red Bull (normal ou cola). Mais aucun participant ne se voit obligé de se balader avec un t-shirt siglé des deux taureaux rouges… La marque joue donc le jeu plutôt honnêtement.

Dernière évolution en date: au départ limitée aux DJ’s et producteurs, la sélection s’est aujourd’hui élargie. Les apprentis « électroniciens » sont toujours la majorité, mais des vocalistes ou des musiciens plus rock ont fait leur apparition – à l’image de la Mexicaine Natalia Lafourcade, qui décrit sa musique comme de la « pop douce-amère ». Pendant la journée, tout ce petit monde se retrouve lors des conférences, workshops, et autres ateliers divers; le soir, place aux concerts et soirées animées par des étudiants différents dans un bar du centre. La veille encore, les platines se sont arrêtées de tourner un peu après 4 h, dans ce qui est d’habitude un club de jazz.

Du coup, cet après-midi-là, quand arrivent enfin Robbie Shakespeare et Sly Dunbar, ils sont plusieurs à avoir du mal à émerger. Red Bull ou pas, la voix traînante et l’accent pâteux de Robbie ont raison des moins résistants, qui piquent du nez. Les deux gaillards sont cependant venus avec leurs instruments. Rapidement, la théorie laisse place à la pratique, réveillant tout le monde. Et Dunbar, éblouissant, d’expliciter derrière ses fûts, la différence entre le one drop, le rocker, le fly cymbal ou son fameux Sly tackle. Quand Sly & Robbie te donnent des ailes…

www.redbull.be/rbma

Texte Laurent Hoebrechts, à Barcelone

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