L’art subtil de Satyajit Ray

Le Lâche

Un coffret réunit six films réalisés par le maître indien entre 1963 et 1979, et embrassant des genres multiples, du drame sentimental à la fantaisie policière.

Révélé dans la seconde moitié des années 50 par la trilogie d’Apu, le réalisateur bengali Satyajit Ray (1921-1992) devait composer, 35 ans durant, une oeuvre essentielle, imposant mieux qu’une vision, sa poésie du monde, en même temps qu’il explorait la culture de son pays, ses mutations également. Produits par R.D. Bansal, les six films réunis dans ce coffret viennent témoigner de cet art subtil qui fit de lui non seulement le plus illustre des cinéastes indiens, mais aussi l’un des grands maîtres du cinéma moderne -un auteur dont, nous rappelle l’éditeur Carlotta, Akira Kurosawa pouvait affirmer: « Ne jamais avoir vu un film de Satyajit Ray, c’est comme ne jamais avoir vu la lune ou le soleil. »

Des femmes face à la norme sociale

S’ils diffèrent par leur contexte historique -Calcutta à l’époque contemporaine pour le premier, en 1879 pour le second- et social, La Grande Ville (1963) et Charulata (1964) mettent en scène des femmes sortant de l’ombre où les confine la norme sociale. S’étant lancée dans la vie active parce que son mari, modeste comptable dans une banque, ne parvenait pas à subvenir aux besoins de la famille, Arati, l’héroïne de La Grande Ville, si elle s’épanouit dans sa nouvelle activité de représentante, va se heurter au conformisme de sa (belle-)famille. Quant à Charulata (qu’interprète la même Madhabi Mukherjee), délaissée par son époux accaparé par son journal politique, elle se réfugie dans l’écriture, encouragée par un cousin pour qui elle ne tarde pas à nourrir des sentiments nouveaux. Pour être, là encore, rattrapée par la réalité, dans un film (adapté de Tagore, un ami de la famille Ray) qui est un pur ravissement.

L'art subtil de Satyajit Ray

Le diptyque que composent les moyens métrages Le Lâche (1965) et Le Saint (1965) témoigne pour sa part de la diversité des genres embrassés par Satyajit Ray, qui y passe avec bonheur du drame doux-amer sur le sentiment amoureux à la comédie satirique. Quant au Héros (1966), il accompagne dans ses questionnements une star de cinéma qu’un trajet en train va confronter au vide de son existence, en une progression aussi rigoureuse que vertigineuse. Enfin, plus tardif et seul film en couleurs de cette collection, Le Dieu éléphant (1979) ponctue l’ensemble sur une note faussement légère, relatant, dans la splendeur de Bénarès, une enquête fantaisiste du détective Feluda -un personnage dont Ray, artiste polyvalent féru de culture populaire comme classique, avait écrit de multiples aventures. Un coffret incontournable, chaque titre bénéficiant encore d’une présentation érudite du critique et historien Charles Tesson. À quoi s’ajoute un document d’exception, l’émission L’Invité de FR3 à laquelle participait le cinéaste en 1981 en compagnie de Claude Sautet et de Michel Ciment.

Satyajit Ray

Un coffret de 6 films et 5 Blu-ray. Durée totale des films: 10 h 28. Ed: Carlotta.

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