Road-movie à l’arrêt – Au départ d’un deuil non assumé, Fernando Eimbcke signe un bijou de pur cinéma, fascinant récit initiatique aux accents curieusement burlesques.

De Fernando Eimbcke. Avec Diego Catano, Hector Herrera, Daniela Valentine. 1 h 21. Sortie: 5/11.

Une voiture avance, laborieusement, au beau milieu de nulle part. Ecran noir, le bruit d’un accident suivi de celui du moteur que l’on tente de relancer. Revenu à la lumière, Juan, le jeune conducteur, n’a plus qu’à contempler les dégâts, mineurs mais qui nécessitent une réparation. Et d’aviser le village voisin – endormi, pour le moins -, où il espère trouver de l’aide afin de reprendre sa route, sans autre but d’ailleurs que fuir la demeure familiale prostrée dans la douleur; son père est mort, en effet.

Quelques rencontres hasardeuses plus tard, l’entreprise se corse singulièrement: entre Don Heber, un vieux réparateur revêche, Lucia, une vendeuse accro au punk rock, et David, un jeune mécano ne jurant que par Enter the Dragon, Juan ne peut que constater combien ses rêves de départ s’enlisent…

Second film du réalisateur mexicain Fernando Eimbcke, Lake Tahoe conjugue le deuil, impossible, à la fuite, improbable.  » Paola Markovitch, ma coscénariste, et moi sommes partis d’une idée toute simple, expliquait le réalisateur, rencontré à Cannes. A savoir un garçon à la recherche de quelque chose. Paola a suggéré d’y ajouter la mort du père, nous avions en effet tous deux perdu un parent. Et les choses se sont mises en place. »

Autobiographique –  » le film a agi comme une forme de thérapie, il m’a aidé, même si je cherche toujours des réponses » -, Lake Tahoe est surtout éminemment personnel. Par sa forme, faite de longs plans fixes qui laissent à la caméra le temps de s’approprier l’espace ( » Je voulais me positionner en spectateur du personnage, éviter d’être mélodramatique » ). Et par son ton, qui relève ce voyage initiatique d’un humour délicatement absurde. A quoi l’on ajoutera un sens aiguisé du non-rythme.  » Lake Tahoe est un road-movie, mais un road-movie à l’arrêt. Mon premier film, Temporada de Patos , traitait de la liberté sans qu’on quitte jamais un appartement. J’apprécie ce type de contraste, parler de liberté dans un endroit confiné, ou faire un road-movie sans voiture. Pour avancer, il faut savoir revenir sur ses pas… »

Un moment de pur cinéma

Eimbcke, qui cite volontiers Jarmusch, livre ici un moment de pur cinéma, dont il aurait gommé tout élément superflu, comme pour mieux imprégner le spectateur.  » J’aime observer. Et voir un film sans être guidé par l’histoire, ou par un metteur en scène qui vous prend par la main. Je laisse au spectateur la possibilité de penser au film, aux personnages. Et je lui fais confiance. »

Non sans apporter un témoignage éloquent du renouveau du cinéma mexicain…

Jean-François Pluijgers

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